mercredi 21 mars 2012

De nouvelles normes attendues pour l'exposition aux fibres d'amiante


Des inspecteurs du travail estiment que le décret prévu est trop tardif et met en péril les salariés


L'amiante n'en finit pas de menacer la santé des salariés et d'attiser la colère de leur représentants. Alors que l'ensemble des organisations syndicales de l'inspection du travail organisent une journée de mobilisation, jeudi 15 mars, pour dénoncer leurs conditions de travail - un inspecteur s'est suicidé le 18 janvier -, le dossier de l'amiante vient renforcer leur inquiétude.

Le ministère du travail devrait prochainement réviser les réglementations liées à la prévention de l'exposition à l'amiante, mais les inspecteurs du travail chargés de contrôler les chantiers de désamiantage dénoncent " l'inaction " de leur direction. Le syndicat FO appelle même " l'ensemble des agents de contrôle à suspendre les interventions sur tous les chantiers de désamiantage " .

Selon le Syndicat du retrait et du traitement de l'amiante (Syrta) qui regroupe une trentaine d'entreprises, on peut estimer à quelque 2 000 à 3 000 le nombre mensuel de ces chantiers. " A cela, il faut ajouter les chantiers sur lesquels des plombiers, des chauffagistes, des électriciens sont confronté, eux aussi, à la présence d'amiante " , précise Gérald Grapinet, président du Syrta. De son côté, la direction générale du travail " invite " même dans certains cas " à la plus grande prudence et à n'effectuer aucun contrôle dans des conditions qui pourraient mettre en danger - les inspecteurs - " , selon une circulaire du 12 décembre 2011 de la direction de l'unité de Paris.

A l'origine de cette situation compliquée, des études menées en 2009 par l'Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail) - aujourd'hui Anses - ont établi la nécessité de prendre en compte non seulement les fibres d'amiante traditionnellement analysées, appelées " fibres OMS ", mais aussi des fibres dites " courtes " (longueur inférieure à 5 microns et diamètre inférieur à 3 microns) et des fibres dites " fines " (longueur supérieure à 5 microns et diamètre inférieur à 0,2 micron). Et ce, grâce à une nouvelle méthode d'analyse en microscopie électronique à transmission analytique (META). Les conclusions de l'agence " ont confirmé le caractère cancérogène des fibres fines et n'ont pas exclu le caractère toxique des fibres courtes " , résume l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) dans un rapport d'août 2011. Prenant en compte ces données, le ministère du travail devrait publier un décret en juin, qui précisera entre autres la nouvelle valeur limite d'exposition professionnelle. L'Afsset (dès 2009) et l'INRS ont préconisé l'abaissement de cette valeur de 100 fibres par litre d'air à 10. Le décret retiendrait cette nouvelle valeur mais proposerait de ne l'appliquer qu'à partir de 2015.

 " Pourquoi attendre et mettre en péril la santé des salariés ? ", demande Naïla Ott, responsable de Sud Travail. " Pourquoi ne pas prendre en compte les fibres courtes, alors que l'INRS indique qu'elles sont potentiellement dangereuses ? "

 " Les autorités de santé ont été informées que 85 % des fibres d'amiante n'avaient pas été prises en compte dans les mesures de protection. Les salariés du désamiantage sont en danger , dénonce Gérard Filoche, inspecteur du travail et responsable socialiste, mais le ministre du travail refuse tout moratoire sur la question. " Le 2 mars, le Parti socialiste a réclamé ce moratoire sur les chantiers de l'amiante, essuyant un refus du gouvernement.

Le directeur général du travail dénonce, lui, une agitation de circonstance. " De nombreux maires socialistes comme de droite ne tiennent surtout pas à ce que les chantiers de désamiantage s'arrêtent , explique Jean-Denis Combrexelle. La France est le seul pays au monde à abaisser les valeurs, alors qu'on voit le Canada ou la Chine vendre de l'amiante. "

Le report de l'application des nouvelles mesures à 2015 s'explique, selon lui, " parce que les entreprises ne sont pas prêtes " . " On ne sait pas faire techniquement aujourd'hui, mais on demande aux entreprises de prendre toutes les précautions " , assure M. Combrexelle.

Les entreprises se disent, elles, satisfaites des propositions ministérielles. Mais, explique M. Grapinet, du Syrta, " avec la prise en compte des fibres plus fines, il faut travailler sur de nouveaux outils d'enlèvement de l'amiante, à des méthodes plus mécanisées, et cela prend du temps " .

 Rémi Barroux

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