Des inspecteurs du travail estiment que le décret
prévu est trop tardif et met en péril les salariés
L'amiante
n'en finit pas de menacer la santé des salariés et d'attiser la colère de leur
représentants. Alors que l'ensemble des organisations syndicales de
l'inspection du travail organisent une journée de mobilisation, jeudi 15 mars,
pour dénoncer leurs conditions de travail - un inspecteur s'est suicidé le 18
janvier -, le dossier de l'amiante vient renforcer leur inquiétude.
Le ministère
du travail devrait prochainement réviser les réglementations liées à la
prévention de l'exposition à l'amiante, mais les inspecteurs du travail chargés
de contrôler les chantiers de désamiantage dénoncent " l'inaction "
de leur direction. Le syndicat FO appelle même " l'ensemble des agents
de contrôle à suspendre les interventions sur tous les chantiers de
désamiantage " .
Selon le
Syndicat du retrait et du traitement de l'amiante (Syrta) qui regroupe une
trentaine d'entreprises, on peut estimer à quelque 2 000 à 3 000 le nombre
mensuel de ces chantiers. " A cela, il faut ajouter les chantiers sur
lesquels des plombiers, des chauffagistes, des électriciens sont confronté, eux
aussi, à la présence d'amiante " ,
précise Gérald Grapinet, président du Syrta. De son côté, la direction générale
du travail " invite " même
dans certains cas " à la plus grande prudence et à n'effectuer
aucun contrôle dans des conditions qui pourraient mettre en danger - les inspecteurs - " , selon une circulaire du 12 décembre 2011 de la
direction de l'unité de Paris.
A l'origine
de cette situation compliquée, des études menées en 2009 par l'Afsset (Agence
française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail) - aujourd'hui
Anses - ont établi la nécessité de prendre en compte non seulement les fibres
d'amiante traditionnellement analysées, appelées " fibres OMS ", mais
aussi des fibres dites " courtes " (longueur inférieure à 5 microns
et diamètre inférieur à 3 microns) et des fibres dites " fines "
(longueur supérieure à 5 microns et diamètre inférieur à 0,2 micron). Et ce,
grâce à une nouvelle méthode d'analyse en microscopie électronique à
transmission analytique (META). Les conclusions de l'agence " ont
confirmé le caractère cancérogène des fibres fines et n'ont pas exclu le
caractère toxique des fibres courtes " ,
résume l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) dans un rapport
d'août 2011. Prenant en compte ces données, le ministère du travail devrait
publier un décret en juin, qui précisera entre autres la nouvelle valeur limite
d'exposition professionnelle. L'Afsset (dès 2009) et l'INRS ont préconisé
l'abaissement de cette valeur de 100 fibres par litre d'air à 10. Le décret
retiendrait cette nouvelle valeur mais proposerait de ne l'appliquer qu'à
partir de 2015.
" Pourquoi attendre et mettre en
péril la santé des salariés ? ",
demande Naïla Ott, responsable de Sud Travail. " Pourquoi ne pas
prendre en compte les fibres courtes, alors que l'INRS indique qu'elles sont
potentiellement dangereuses ? "
" Les autorités de santé ont été
informées que 85 % des fibres d'amiante n'avaient pas été prises en compte dans
les mesures de protection. Les salariés du désamiantage sont en danger , dénonce Gérard Filoche, inspecteur du travail et
responsable socialiste, mais le ministre du travail refuse tout
moratoire sur la question. " Le 2
mars, le Parti socialiste a réclamé ce moratoire sur les chantiers de
l'amiante, essuyant un refus du gouvernement.
Le directeur
général du travail dénonce, lui, une agitation de circonstance. " De
nombreux maires socialistes comme de droite ne tiennent surtout pas à ce que
les chantiers de désamiantage s'arrêtent ,
explique Jean-Denis Combrexelle. La France est le seul pays au monde
à abaisser les valeurs, alors qu'on voit le Canada ou la Chine vendre de
l'amiante. "
Le report de
l'application des nouvelles mesures à 2015 s'explique, selon lui, "
parce que les entreprises ne sont pas prêtes " . " On ne sait pas faire techniquement aujourd'hui, mais
on demande aux entreprises de prendre toutes les précautions " , assure M. Combrexelle.
Les
entreprises se disent, elles, satisfaites des propositions ministérielles.
Mais, explique M. Grapinet, du Syrta, " avec la prise en compte des
fibres plus fines, il faut travailler sur de nouveaux outils d'enlèvement de
l'amiante, à des méthodes plus mécanisées, et cela prend du temps " .
Rémi Barroux
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