Politiquement, la signature le 6 mars d’un pacte de responsabilité par le patronat et la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC ouvrant dans toutes les branches, des négociations sur l’emploi et l’investissement en échange de 30 milliards d’euros de baisses de cotisations patronales, devait redonner de l’air à François Hollande. Mais l’intransigeance du Medef et de la CGPME lui complique sérieusement la tâche. De leur côté, Force ouvrière et la CGT mobilisent le 18 mars contre ce texte.
C’est l’histoire d’un coup politique à trois bandes. Fin décembre 2013, le chef de l’Etat se morfondait, plombé par une croissance faiblarde et cinq millions d’inscrits à Pôle emploi. Impopulaire, il subissait de surcroit l’ire revancharde d’une frange droitière du patronat bien décidée à lui faire payer sa taxe à 75% sur les hauts revenus comme ses augmentations d’impôts, par une grève des embauches et des investissements.
Pire encore, il redoutait que les grands groupes qui à la différence de l’Italie ou de l’Allemagne structurent l’économie du pays, ne plient usines et coffre fort en catimini pour aller s’installer en Asie ou aux Etats Unis, en abandonnant sur place leur réseau de PME-PMI sous-traitantes.
Aussi lorsque Pierre Gattaz, le président du Medef qui se revendique «apolitique» est venu lui faire miroiter la création d’un million net d’emplois dans le pays en échange d’une baisse de massive de cotisations patronales et de dépenses publiques, le chef de l’Etat s’est saisi de cet espoir de faire reculer le chômage et satisfaire Bruxelles, avide de «réformes structurelles» en mettant en tension les réseaux patronaux, davantage obnubilés par leur internationalisation que leurs investissements ou leurs embauches. Sans même concerter les syndicats de salariés, il a lancé l’idée, lors de ses vœux, d’une suppression des cotisations employeurs famille.
Résultat ? Deux mois plus tard, le Medef, l’UPA, la CGPME, la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC se proposent d’ouvrir, au prix de trente milliards d’euros de baisses de charges patronales, «des discussions en vue d'aboutir à un relevé de conclusions signé, ou des négociations en vue d'aboutir à un accord précisant des objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes d'emplois» dans toutes les branches. Concertations dont un premier bilan «pourra être réalisé» avant l'été 2014. Or seule une soixantaine de branches professionnelles, sur les 600 que compte le pays, sont actives. «Un observatoire tripartite» patronat, syndicat, gouvernement - assurera le suivi du pacte, tant en matière de baisses de prélèvements que de créations d'emplois, précise leur accord.
Pour décrocher cette ristourne durable de 30 milliards d’euros, Pierre Gattaz, en dépit de son célèbre pin’s un million d’emplois, se contente donc d’une promesse de mobiliser ses pairs. Sans prendre aucun engagement chiffré juridique de création nette de jobs. Plus provocateur encore, infligeant un extraordinaire camouflet au Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui promettait à la radio que cette manne ne finirait pas dans la poche des actionnaires, mais favoriserait l’embauche de salariés à bas salaires, Gattaz a précisé que les chefs d’entreprises verseront, si bon leur semble, des dividendes à leurs porteurs de titres avec cet argent.
Au motif discutable que ces distributions de cash à la volée- 42,6 milliards d’euros en 2013 pour le seul CAC 40, soit plus de trois fois l’argent investi dans l’industrie en France !-, rémunèrent le risque de leurs investisseurs. A quelques semaines des municipales et des Européennes, François Hollande appréciera à sa juste valeur cette mise au point! Tout comme Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT dont le bureau doit encore approuver officiellement la semaine prochaine l’accord. «
«Le patronat, c'est prends l'oseille et tire-toi», cingle pour sa part Stéphane Lardy de FO. Quand Thierry le Paon, le secrétaire général de la CGT juge François Hollande irresponsable, tant sur la forme que sur le fond, de s’être lancé dans un tel deal. Et qualifie ce pacte de «régression sociale». Une fois n’est pas coutume, les deux syndicats appellent ensemble à une journée de grève et de manifestations le 18 mars. Ils réclament aussi, avec raison, une évaluation de l’efficacité économique de tous les aides accordées aux entreprises. Evaluation à laquelle Pierre Gattaz, pour mémoire, se s’opposait pas l’été dernier dans les colonnes de Marianne…
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