samedi 18 juillet 2009

Le géant suisse Schindler inculpé au Japon




12 juin 2006: neuf jours après le drame, Roland W. Hess et Ken Smith, deux hauts dirigeants de Schindler, présentent leurs excuses lors d'une conférence de presse à Tokyo.







Un juge de Tokyo ouvre une information contre le numéro deux mondial des ascenseurs pour la mort en 2006 d'un adolescent de 16 ans. Même si la société chargée de la maintenance est inculpée elle aussi, cette affaire a déjà terni fortement l'image de Schindler au Japon.

Le 3 juin 2006, Hirosuke Ichikawa, 16 ans, est en train de sortir de l'ascenseur de son immeuble avec son vélo lorsque l'engin, toutes portes ouvertes, repart soudain vers le haut, écrasant le collégien.

L'ascenseur avait été installé en 1998. Jusqu'en avril 2005, c'est Schindler qui assurait sa maintenance. Laquelle est passée ensuite à une autre société, puis dès avril 2006, à SEC Elevator Co, dont les tarifs étaient plus avantageux.

Trois ans d'enquête
Au bout de trois ans d'une enquête minutieuse, le ministère public de Tokyo estime que même si SEC Elevator était chargée de la maintenance de l'ascenseur au moment de l'accident, la responsabilité de Schindler n'est pas moins en cause.

Ses deux employés inculpés sont deux Japonais, responsables à l'époque, du département de maintenance.

Selon le juge, Schindler n'a pas communiqué à SEC Elevator, ni d'ailleurs à l'autre société qui a assuré la maintenance entre avril 2005 et avril 2006, des problèmes de fonctionnement apparus plus tôt. En novembre 2004, par exemple, la cabine s'était arrêtée d'urgence à la suite d'une défaillance de son système de freinage.

Quant à SEC Elevator, le ministère public lui reproche de n'avoir pas soumis l'appareil à des tests - notamment de freinage - après avoir obtenu le contrat de maintenance.

La société japonaise ne se serait pas non plus souciée de vérifier de précédentes réparations et, de façon générale, se serait montrée négligente dans l'entretien de l'ascenseur.

Schindler réfute...
Dans un communique publié à Tokyo, la filiale japonaise de Schindler rejette les allégations du ministère public.

«Le 8 novembre 2004, cet ascenseur avait fait l'objet d'une inspection approfondie. Et le système de freinage fonctionnait normalement», dit-elle. Ce constat a été confirmé lors des visites de maintenance mensuelles jusqu'en mars 2005.

Le fabricant affirme avoir fourni au propriétaire de l'immeuble tout le dossier de maintenance indiquant dans les moindres détails les services d'entretien effectués. Depuis l'accident, Schindler coopère d'ailleurs avec la police japonaise.

Schindler ajoute qu'il fournit, sur demande, toute information technique de maintenance aux sociétés indépendantes qui entretiennent ses ascenseurs.

...et accuse SEC Elevator
Toutefois, SEC Elevator n'a jamais fait une telle requête. A l'époque, Schindler en avait conclu que la société japonaise disposait d'assez d'expertise technique.

Aujourd'hui, Schindler affirme dans son communiqué que l'accident n'a pas pu être causé par le comportement de ses employés, «mais par une maintenance insuffisante de la part de SEC Elevator».

Lors d'un voyage à Tokyo, en mai dernier, Alfred Schindler, grand patron du groupe, a déclaré qu'il ne croyait pas son entreprise criminellement responsable de l'accident.

La famille de Hirosuke Ichikawa a ouvert une action en justice contre Schindler, SEC Elevator et l'autre société de maintenance pour leur demander 250 millions de yens (plus de 3 millions de francs suisses) pour la mort de leur fils.

Pression médiatique
A l'époque, cet horrible accident avait suscité une vague d'émotion au Japon et valu à Schindler une campagne de dénigrement de la part des médias.

Le groupe suisse avait fait preuve d'une méconnaissance surprenante des coutumes japonaises, laissant passer plus d'une semaine avant de présenter des excuses à la famille de la victime. Dans un cas pareil, une règle non écrite veut pourtant que l'on manifeste un sentiment de contrition, que l'on soit responsable ou pas de ce qui s'est passé.

Cette pression a sapé le moral des employés japonais de Schindler et réduit dans une large mesure les activités du groupe dans l'archipel nippon.

Sollicité par swissinfo.ch, Riccardo Biffi, responsable de la communication au siège du groupe à Ebikon (près de Lucerne) affirme ne pas être en mesure de dire si Schindler a vendu un seul ascenseur au Japon depuis l'accident

Cette inculpation risque de dissuader encore plus les clients locaux de Schindler. Depuis trois ans en effet, l'activité de la firme suisse au Japon se limite à assurer l'entretien de son parc existant d'ascenseurs.

Il semble donc que seuls les escaliers roulants, dont il est le premier fournisseur mondial, lui permettent désormais d'espérer obtenir de nouvelles commandes.

Georges Baumgartner, Tokyo, swissinfo.ch

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