(photo Jacques Demarthon. AFP)
Plus d'un million de
ces ruptures de CDI à l'amiable ont été conclues depuis 2008. Mais, pour
leurs critiques, elles se substituent parfois indûment aux
licenciements traditionnels.
Alors que les partenaires sociaux reprendront
en janvier leurs discussions sur le marché de l'emploi, il est un
élément de cette flexibilité si chère au patronat qui se porte très bien
: les ruptures conventionnelles. Selon les services statistiques du
ministère du Travail, le cap du million de «RC» a été franchi cet
automne. Instauré par la loi en 2008 après avoir été entériné par les
partenaires sociaux (sauf la CGT), le dispositif permettant au salarié
et à l’employeur de rompre un CDI d'un commun accord a désormais trouvé
son rythme de croisière. Mais, en temps de crise, il est également
soupçonné de représenter une alternative cavalière au licenciement
économique, à l'encontre de sa philosophie initiale. Le point.
Pour éviter les détournements, la loi prévoit un certain nombre de garde-fous : contrôle de l’accord par l’administration, invalidité en cas de congé maternité de la salariée, de litige antérieur entre salarié et employeur, ou de contournement des règles en matière de licenciements économiques collectifs.
En juillet 2012, le Centre d'études sur l’emploi, dépendant du ministère du Travail, a étudié une centaine de cas survenus fin 2010. Selon son rapport, la rupture conventionnelle «sert tout autant de support à une rupture volontaire, à un départ contraint ou à une substitution aux ruptures unilatérales que sont la démission et le licenciement». «Un nombre important de personnes enquêtées a indiqué que la RC a constitué un moyen pour.les employeurs de les faire partir, alors qu’ils n’auraient pas pu ou voulu les licencier», poursuit le document, estimant qu'«à peine un quart des cas» de l'échantillon correspond à une «mobilité vraiment choisie»par les salariés.
Dès 2010, une note du Centre d’analyse stratégique, rattaché à Matignon, s’inquiétait de «nouveaux comportements frauduleux», «suffisamment cités par l'échantillon de services interrogés pour illustrer certains risques».
Mais si ces travaux attestent de l'existence de dérives, elles ne permettent pas d'en estimer l'ampleur. «Avant, il y avait déjà des ruptures négociées. Les RC ont permis de les sécuriser, et d'apporter plus de transparence», juge Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de Force Ouvrière chargé de l'emploi, dont l'organisation avait approuvé les ruptures conventionnelles en 2008. Reste à voir si le nombre de ruptures conventionnelles poursuivra sa hausse en 2013, année qui verra les indemnités de rupture soumises à un forfait social de 20% dû par les employeurs.
Quelles règles ?
C’est en août 2008, quelques semaines après la «loi de modernisation du marché du travail» les autorisant, qu’ont été signées les premières ruptures conventionnelles. Il s’agit alors d’offrir au salarié désireux de quitter son entreprise une alternative à la démission, qui n’ouvre pas de droit à l’assurance-chômage, et au patron un dispositif plus «souple» que le licenciement. Aucun motif n’est requis à l’appui d’une rupture conventionnelle : le seul accord des deux parties suffit. La «RC» s’accompagne, pour le salarié, d’une indemnité au mons égale à celle d’un licenciement, et de droits à l’assurance-chômage.Pour éviter les détournements, la loi prévoit un certain nombre de garde-fous : contrôle de l’accord par l’administration, invalidité en cas de congé maternité de la salariée, de litige antérieur entre salarié et employeur, ou de contournement des règles en matière de licenciements économiques collectifs.
Quels chiffres ?
Entre janvier et octobre 2012, 279 000 demandes de ruptures conventionnelles ont été reçus par l’administration, qui en a homologué 261 000, soit 26 000 par mois en moyenne : c’est 11,5% de plus que l’année précédente et 30% de plus qu’en 2010, sur la même période. Selon l’Unedic, ces ruptures amiables représentaient 25% des ruptures de CDI à la fin 2011, et 9% des motifs d’entrée au régime d’assurance chômage, soit 570 000 personnes entre 2008 et 2011. Elevé lors des premiers mois d’existence du dispositif, le taux de refus des demandes par l’administration a rapidement chuté, et est aujourd’hui stabilisé à 6%. Ces refus répondent souvent à des indemnités inférieures au minimum requis. Enfin, c'est dans les entreprises de moins de 50 salariés, où le dialogue social est moins actif, que les ruptures conventionnelles sont les plus populaires.Quel débat ?
Du côté du Medef, on se félicite du «succès» de cette «revendication forte» de l’organisation patronale : «Cela participe de la flexibilité que nous appelons de nos voeux». Mais, selon leurs critiques, les ruptures conventionnelles se sont substituées à d’autres modes, plus contraignants, de rupture de CDI. Mourad Rabhi, secrétaire confédéral de la CGT en charge de l’emploi, en est persuadé : «Entre employeur et salarié, il y a un lien de subordination, pas de gré à gré, estime-t-il. Le dispositif permet aux patrons de pousser plus facilement, et sans motif, leurs salariés vers Pôle Emploi. L’administration n’a pas le temps de contrôler ces accords : neuf fois sur dix, elle les examine à peine». Il est vrai qu'elle ne dispose que de quinze jours pour approuver ou non une RC : passé ce délai, celle-ci est supposée conforme.En juillet 2012, le Centre d'études sur l’emploi, dépendant du ministère du Travail, a étudié une centaine de cas survenus fin 2010. Selon son rapport, la rupture conventionnelle «sert tout autant de support à une rupture volontaire, à un départ contraint ou à une substitution aux ruptures unilatérales que sont la démission et le licenciement». «Un nombre important de personnes enquêtées a indiqué que la RC a constitué un moyen pour.les employeurs de les faire partir, alors qu’ils n’auraient pas pu ou voulu les licencier», poursuit le document, estimant qu'«à peine un quart des cas» de l'échantillon correspond à une «mobilité vraiment choisie»par les salariés.
Dès 2010, une note du Centre d’analyse stratégique, rattaché à Matignon, s’inquiétait de «nouveaux comportements frauduleux», «suffisamment cités par l'échantillon de services interrogés pour illustrer certains risques».
Mais si ces travaux attestent de l'existence de dérives, elles ne permettent pas d'en estimer l'ampleur. «Avant, il y avait déjà des ruptures négociées. Les RC ont permis de les sécuriser, et d'apporter plus de transparence», juge Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de Force Ouvrière chargé de l'emploi, dont l'organisation avait approuvé les ruptures conventionnelles en 2008. Reste à voir si le nombre de ruptures conventionnelles poursuivra sa hausse en 2013, année qui verra les indemnités de rupture soumises à un forfait social de 20% dû par les employeurs.
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