mardi 17 juin 2008

Le recours croissant des ascensoristes aux sous-traitants inquiète les syndicats


Accusés, depuis plusieurs mois, de pratiquer des prix excessifs et de réaliser des travaux parfois injustifiés, les ascensoristes sont au coeur d'une nouvelle polémique. La CGT et la CFDT leur reprochent de recourir à des sous-traitants insuffisamment qualifiés. Ces critiques, qui ne sont pas tout à fait nouvelles, ont redoublé de vigueur à la suite d'un accident du travail mortel, samedi 7 juin à Paris.

Ce jour-là, trois techniciens roumains intervenaient sur l'un des quatre ascenseurs qui desservent les immeubles d'habitation situés au 57-59, avenue du Maine, dans le 14e arrondissement de Paris. Pour une raison encore inconnue, la cabine est tombée d'environ 1 mètre, indique-t-on au parquet de Paris ; le contrepoids se serait également écrasé "dans le fond de fosse", selon la CGT. Un salarié est mort et les deux autres ont été blessés, précise-t-on au tribunal de grande instance.

Il y a quelques mois, la société Schindler avait été sollicitée pour mettre aux normes les appareils de cette copropriété, comme l'exige la loi Urbanisme et habitat de 2003. L'ascensoriste avait sous-traité une partie des "prestations" à Comas, l'employeur des trois salariés impliqués dans l'accident du 7 juin.

SURCHARGÉES

Créée en mars 2007, immatriculée en France, cette petite entreprise avait déjà été mobilisée par Schindler sur d'autres chantiers. Au 57-59, avenue du Maine, elle avait pris part à la rénovation de deux ascenseurs avant le drame. "La compétence de ses techniciens ne pouvait pas être mise en doute, au vu de ce qu'ils avaient fait", d'après Exxeco, la société chargée de surveiller les travaux. Mais la date de l'accident, elle, pose question : généralement, les opérations de modernisation ne s'effectuent pas le week-end.

Pour la CFDT et la CGT, ce fait divers met en exergue le développement désordonné de la sous-traitance : surchargées de commandes à cause du surcroît d'activité engendré par la loi de 2003, les quatre majors du secteur (Koné, Otis, Schindler et ThyssenKrupp) appellent à la rescousse des entreprises dont le niveau de compétences laisserait à désirer. Le phénomène tire "vers le bas les conditions de travail et les salaires". D'après Robert Pelletier, de la CGT, il n'est pas rare de croiser sur les chantiers des travailleurs originaires d'Europe de l'Est ; avec eux, la communication n'est pas toujours aisée car leur maîtrise du français peut être incertaine.

Schindler reconnaît que le recours à des sous-traitants est plus fréquent depuis l'entrée en vigueur de la loi Urbanisme et habitat. Chez Koné, en revanche, la part des travaux confiée à des prestataires extérieurs reste à peu près stable, indique Gérald Roux, directeur général ; le groupe essaie de privilégier les "embauches extérieures". "Il est plus coûteux de faire appel à la sous-traitance qu'à nos propres troupes", complète M. Roux.

La Fédération des ascenseurs ne dispose pas de statistiques en la matière. Tout en rappelant que la sous-traitance est une pratique courante et "encadrée", elle insiste sur les besoins de main-d'oeuvre de la profession (1 500 personnes par an) et les efforts que celle-ci a déployés pour "engager des programmes de recrutement". Une formation de technicien ascensoriste a même été ouverte en 2006 dans des lycées professionnels.

Bertrand Bissuel

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