dimanche 10 octobre 2010


Entreprise: la crise accentue la violence du management

Eugène - Blogueur Associé | Samedi 9 Octobre 2010 à 07:01 |

Avertissement de la CGT Schindler avant la lecture :
L'article que vous allez lire ci dessous vous plongera dans votre quotidien de salarié Schindler. Vous y retrouverez tous les travers, pressions et manipulations que nous subissons chaque jours.


Plongée dans l'univers de l'entreprise avec Eugène qui nous narre les aléas vécus par les salariés au quotidien. Déshumanisation, pressions, mensonges, démotivation, sélection, trahisons, etc. Le tableau ainsi dressé de la vie en entreprise est pour le moins féroce.

La crise aura eu le mérite de révéler les travers que suivent les grandes et parfois moyennes entreprises du point de vue de la gestion du personnel. Nous verrons que c’est une bataille et qu’elle est donnée gagnante pour les entreprises.

L’employé, variable d’ajustement de l’entreprise moderne
Quel que soient les secteurs d’activités, quel que soient les pays, quel que soient la rentabilité des entreprises, l’employé reste une variable d’ajustement facile. Et cette variable varie presque toujours dans le même sens : la réduction du personnel. Pas besoin d’être très intelligent ni compétent pour réduire le personnel. C’est, de surcroît, toujours immédiatement apprécié par les actionnaires. Ainsi, une entreprise de réparation et d’entretien de yachts à moteurs qui en pleine crise financière voit son carnet de commandes exploser, tant et si bien qu’ils sont obligés de refuser les contrats pour des yachts de moins de 30 m de long. L’entreprise, profitable de longue date, offrait jusque-là des conditions de travail très sympathiques à ses employés. Pourtant, ces derniers temps, alors que les bénéfices explosent, ils ont décidé de supprimer discrètement des emplois en proposant aux mêmes personnes de se mettre en auto entrepreneur. C’est une filouterie juteuse pour de nombreuses entreprises, qui profitent de la flexibilité des auto-entrepreneurs (qui ne coûtent rien en cas de chute d’activité), mais également de leurs tarifs avantageux (les charges et impôts faibles associés à ce statut en font des « entreprises » compétitives). Tout le risque est pris par l’auto entrepreneur. C’est à croire que le gouvernement a créé volontairement ce statut à la demande des employeurs…

Sous pression
Les employés sont virés, stressés, harcelés, exploités de plus en plus dans le monde entier. Le cas Kerviel est un exemple flagrant : cet homme qui appartient à une banque réputée pour mettre une pression remarquable sur ses équipes de « trading » et qui finalement n’assume pas les dérives associées. Certes Kerviel a triché, certes il a fauté, mais les banquiers avec qui j’ai évoqué la situation pensent que la hiérarchie ne pouvait pas ignorer les faits. D’ailleurs si elle n’était pas informée pourquoi a-t-elle éliminée une grande majorité de la direction de l’époque ? Pour sauver l’image de la banque et des banques françaises en général, Kerviel a été sacrifié. Ce cas est bien un cas d’école : mettre tellement de conditions et de pressions sur les employés afin qu’ils trouvent d’eux-mêmes les solutions (parfois illégales) qui permettent de satisfaire la demande de leur hiérarchie. Pratique, sans risque et efficace…

C’est cette même pression qui pousse les ouvriers, dans les usines, a contourner les systèmes de sécurité (casques, gants, vitres de protection…) : sans ils sont plus efficaces que leurs collègues et seront mieux vu. La crainte de la perte d’emploi est destructrice.

Manipulés
Dans une grande entreprise du secteur automobile, durant la crise, a été appliquée une méthode Japonaise étonnante : un « Brain Storming » géant (cogitation par petits groupes) a été mis en place. Le but : trouver des solutions pour réduire tous les coûts de l’entreprise. Chacun devait préparer ses idées sur des Post-its et puis les présenter en petits comités. Une synthèse était faite et diffusée à tous dans l’entreprise. Les consignes ? Toutes les idées sont acceptables, des plus ridicules en apparence, aux plus sophistiquées. Évidemment beaucoup de propositions autour des services généraux : diminuer le nombre de passages des femmes de ménage, mettre des ampoules à économie d’énergie, éteindre les PC automatiquement le soir, etc.… Mais étaient aussi proposées des « optimisations » que les employés prenaient sur eux (ne plus prendre de chambre d’hôtel lorsqu’on finit tard en déplacement et rentrer directement) ou contre d’autres collègues (supprimer tel ou tel service, jugé inutile ou inefficace). Évidemment, certaines propositions concernaient également le management (supprimer les voitures de fonction…). La situation est donc idéale pour l’entreprise, car il ne reste plus, pour le management, qu’à sélectionner les bonnes idées qui ne leur coûtent pas cher et qui ne les touchent pas. Les idées retenues avaient l’avantage d’avoir la légitimité de leurs origines : le personnel. Pourquoi une telle « arnaque » marche-t-elle ? Simplement parce qu’avant le lancement du « Brain Storming », la crise est présentée dans ses aspects les plus sombres, y compris avec un plan social associé, lorsque le « Brain Storming » arrive, le personnel est conscient qu’il doit trouver des solutions ou sinon le plan risque de les concerner. Il s’agit donc bien d’une « arnaque », puisque les employés ont été préparés psychologiquement et que seules les idées qui arrangent la direction ne sont finalement sélectionnées.

À force d’être manipulé, l’employé devient conscient qu’on lui demande toujours plus pour un gain toujours plus faible (peu ou pas d’augmentations, de primes et de promotions). Il est manipulé en permanence par sa hiérarchie sans en tirer davantage. Que penser des stages de motivations en entreprise ? Ceux qui y participent ont l’impression d’être dans une équipe soudée ou tout le monde est égal et se tutoie. Évidemment, il n’en est rien, le but étant juste de presser un peu plus un citron déjà bien écrasé. Que penser des concours de vente chez les télés-conseillers ? Il s’agit simplement de faire courir tout le monde en ne payant, maigrement, qu’une seule personne (le gagnant) !

Les faibles sont éliminés
Le contenu des stages de management est très éducatif à ce titre. Pourquoi apprend-t-on aux stagiaires la « courbe du deuil ». Cette courbe montre les différentes étapes de l’acceptation d’une mauvaise nouvelle par un individu (choc, déni, colère, peur, dépression, tristesse, acceptation, reconstruction, sérénité) ? Bien sûr pour préparer les plans sociaux, les mutations, les promotions ou les augmentations que les employés n’auront pas… Le problème est que la théorie n’est pas parfaite et que certains dévient de la courbe (suicides, dépressions graves). Pour l’entreprise, ce sont de « déchets » avec la théorie sous-jacente : « s’ils n’ont pas survécu, c’est qu’ils étaient faibles ». La responsabilité de l’entreprise est souvent rejetée par elle-même : rien ne prouvera jamais complètement qu’un suicide est principalement lié au travail, car souvent les causes en sont multiples. Quant aux personnes ayant subi les effets (parfois irrémédiables) d’un épuisement au travail, l’entreprise feint de ne pas en reconnaître l’origine. Nous sommes donc dans un monde ou l’entreprise écrase les forts et broie les plus faibles sans jamais prendre ses responsabilités.

Moutons, seuls, acceptés
Pour réussir parfaitement dans cette voie, l’entreprise ne recrute que des éléments dociles et éventuellement féroces. Lors des entretiens d’embauche, c’est souvent ces deux caractéristiques qui priment sur la compétence ou le potentiel du candidat. Un candidat docile fera tout ce qu’on lui dit et ce qu’on lui suggère. S’il est féroce, il fera plus volontiers les actions immorales et inhumaines qu’on peut lui demander. Comme le montre le documentaire “La mise à mort du travail”, l’entreprise “Car Glass” fait jouer ses candidats à l’embauche à un jeu dans le seul but est de repérer les délateurs. Intégrés dans les équipes, ils seront de bons adjoints (gratuits) aux managers. En revanche, ceux qui ne sont pas des moutons risquent tout comme ce haut cadre, “practice manager” (responsable de consulting), d’une société américaine de service, dans l’entreprise depuis 11 ans, et qui un jour décide de monter une section syndicale. Ce jour là sa vie bascule, il est reçu par le nouveau directeur de l’entreprise qui le rencontre pour la première fois et qui lui tiens ce langage précis : “t’es assis en face de moi décontracté du fion, le seul moyen de se débarrasser de toi c’est de te tirer une balle dans la tête au parking”. Pour sauver leur emploi les autres employés sont forcés de signer une pétition indiquant que le practice manager les harcèle et ne fait pas son travail.

Isolement
Efficace à plus d’un titre, l’isolement de l’employé est primordial au maintient d’employés dociles. Les « Open Spaces » (bureaux paysagers) sont idéaux pour forcer les employés à se « benchmarker » (comparer) entre eux. Celui qui fait des pauses, qui arrive tard, qui part tôt, qui passe des appels personnels, qui navigue sur internet, qui se déplace « trop » dans le bâtiment, etc. est vite repéré et diffamé. L’employé devient son pire ennemi. La réduction de l’espace personnel (mètre carré par personne), des espaces collectifs (cafétéria, toilettes, espaces fumeurs…) participe activement à cette stratégie. Si nous ne pouvons plus faire de pauses et que nous sommes fortement surveillés, nous ne pouvons que travailler plus. Hélas l’homme n’est pas une machine et les pauses, les cafés entre collègues, les espaces de détentes sont comme la maintenance d’une machine : si nous la supprimons elle marche moins bien puis, s’arrête.


Inefficacité
L’entreprise moderne est donc peuplée d’une bonne partie de loups souvent incapables (ou moins capables). Mais, le recrutement n’étant pas une science exacte, de nombreuses erreurs sont commises. Les embauchés finalement peu dociles sont écartés des promotions et/ou harcelés par les loups. Dans un groupe connu de la grande distribution, un agent de sécurité est mal vu parce qu’il entretien des liens avec un syndicat. Un piège est monté contre lui : un portefeuille sans identification possible du propriétaire (pas de cartes ou de papier d’identité), mais avec un gros billet dedans lui est apporté comme ayant été trouvé dans le magasin. Après vérification, l’agent cède à la tentation et empoche discrètement le billet. Or c’est un piège, il est filmé et interpellé en fin de journée. Dans la salle d’interpellation, on ne lui dit pas tout de suite qu’il a été piégé, on fait pression sur lui, en revanche, pour qu’il écrive une déclaration de harcèlement contre un autre employé handicapé. C’est seulement lorsque le document est écrit et signé que la vidéo du vol est montrée à l’indélicat. La direction se sépare donc de deux gêneurs en même temps : l’agent peu docile et le handicapé dont la direction ne voulait plus.

Les employés font d’eux même le sale travail
Les managers modernes, en ne prenant aucune décision, lorsqu’elle comporte un risque, obligent de fait les employés sous leurs ordres à les prendre pour eux. Ce qui est terrible, car non seulement ces employés n’ont pas toutes les données du problème pour prendre la bonne décision, mais de plus, ils prennent cette décision à leurs seuls risques et périls. C’est ce que nous montre le cas Kerviel et tant d’autres que nous voyons tous les jours en entreprise. Il faut donc que les employés soient naïfs pour accepter de prendre tous ces risques sans aucune contrepartie et en ayant la quasi-certitude d’être les seules victimes si leur décision était malheureuse. Que faire contre cette plaie ? Acculer les managers a prendre eux-mêmes leur décision et à défaut, les informer par écrit des choix effectués par faute de décision de leurs part. Il faut, bien entendu, garder les preuves papier et/ou électroniques chez soi et le jour même de l’envoi !

Dans une grande entreprise du CAC40 en 2008 : l’adjointe à la DRH est chargée d’un plan social, qu’elle mène avec zèle par engagement pour sa société. Elle essaye, car elle est humaine, de satisfaire et de conseiller tout le monde. Le plan social se termine lorsqu’elle apprend qu’elle fait également partie du plan (pas nominativement bien sûr, mais sans aucun doute non plus). La direction lui a laisser faire le sale travail sachant qu’elle était compétente (plus que la DRH en fait) tout en sachant pertinemment qu’elle serait éliminée ensuite. Mais cette histoire ne s’arrête pas là, deux mois plus tard après le départ de l’adjointe, c’est finalement la DRH (qui faisait doublon) qui est débarquée ! Cette personne s’en doutait depuis longtemps et cherchait du travail activement, mais ce qu’elle n’avait pas prévu c’est qu’elle partirait aussi vite… Les loups se mangent entre eux sans hésitation, même si en général une sorte de pacte de non-agression les lie.

Un avenir sans issue
La démotivation du personnel vient également du fait que l’ascenseur social est largement en panne dans nos entreprises. La crise, les contraintes financières ont fait que les bons postes sont pourvus, non pas au mérite, mais par affinité. Évidemment, cela a toujours existé, mais le fait est qu’il ne s’agit presque plus que de cela aujourd’hui. Ce phénomène est si fort que tout le monde peut le constater alors qu’autrefois cela ne se savait pas toujours. Les « amis », les bons soldats et les opportunistes, les personnes qui sont au bon endroit au bon moment sont préférées aux compétents. Le management prend ses décisions comme si les employés n’existaient pas. Leur attitude représente bien la réalité de leur idéologie. Comme les bourgeois d’autrefois qui considéraient que les vendeurs étaient une race qui n’émergeait jamais de l’autre côté du comptoir, les managers modernes, traitent les employés comme une simple « ressource » déshumanisée.

L’épuisement de la compétence
Entreprise: la crise accentue la violence du management
Cet état de fait est fortement démobilisant pour tous. Cela ne sert à rien de bien travailler puisque nous n’en serons jamais récompensés (sauf par chance). L’effet pervers pour l’entreprise est que la hiérarchie ne se remplit presque exclusivement que d’incapables et souvent s’effondre sur elle-même. Ceux qui ont un profil rare et qui ne sont pas promus partent. L’efficacité tant recherchée n’est finalement pas du tout atteinte.


Ceux qui restent
Comme nous l’avons vu, en dehors des loups et des moutons, il ne reste que des naïfs, des démotivés ou, des résistants. Cette dernière catégorie est intéressante. Elle est constituée d’individus qui ont compris une bonne partie des faits énoncés ci-dessus et qui, parce qu’ils refusent de se laisser démotiver, choisissent de se battre. En apparence, ils agissent comme des moutons, mais en réalité ils effectuent une grève du zèle qui bloque bien souvent l’entreprise. Car, comme l’avait montré une expérience, il y a plus de quinze ans, à la régie Renault, l’entreprise moderne ne marche que par la bonne volonté des employés. Si tous se mettent, dans une usine, à appliquer strictement les règles écrites sans créativité, l’entreprise se bloque en quelques dizaines de minutes. Oui, ces employés que l’on déshumanise, que l’on ballotte d’une fusion en une acquisition, sont en fait la seule véritable valeur de l’entreprise. Sans eux, leur motivation, leur créativité, leur sens pragmatique, tout s’arrête.

Mensonges
L’exigence internationale qu’implique la mondialisation fait que la concurrence est permanente et s’accélère même. Celui qui ne suit pas, et, autant le dire de suite, toutes les entreprises sont plus ou moins dans ce cas maintenant, est éliminé. Dans un tel contexte, comment survivre ? La réponse est à la fois simple et triste : tout le monde fait semblant d’être à la hauteur, mais tout le monde triche. Ainsi, les certifications, les initiatives zéro défaut, qualité totale peuvent virer rapidement au mensonge. L’entreprise ne peut faillir, pourtant ces engagements coûtent chers et si la concurrence ne joue pas le jeu, ceux qui ne trichent pas sont éliminés, car trop chers. Peu à peu, tous les « leaders » trichent. Dans l’épisode d’AZF, l’entreprise avait de forts engagements qualité ce qui n’a pas évité l’explosion. L’emploi massif de sous-traitants, de prestataires et d’intérimaires non formés (cela coûte cher) est également pointé du doigt. Dans ce cadre que signifie le label Qualité Totale ? Si cela ne permet pas d’éviter une explosion meurtrière, cela ne sert donc à rien. Bien entendu, si la Qualité Totale avait été réellement respectée, l’explosion n’aurait pas eu lieu.

Un lecteur me signale le cas d’un directeur qualité de sa (grande) entreprise qui était un tyran, il faisait peur au plus puissant de l’entreprise et lorsqu’il passait dans les usines mêmes les hommes pouvaient pleurer tant il savait magner l’humiliation en public. Ce personnage avait de grands discours et de grandes ambitions sur la qualité. Mais le résultat, hélas, fut que tous les employés cachaient les mauvais chiffres de peur de devoir l’affronter. Du plus petit chef d’équipe au plus grand directeur. Un bel exemple de mensonge institutionnalisé. Ceci nous conduit à une perte de sens dans l’entreprise.

La culture du chiffre, les indicateurs nombreux et complexes, les entretiens annuels et personnalisés sont, lorsque bien utilisés, de bonnes armes. Le fait est qu’ils sont rarement bien utilisés. Les indicateurs sont « bricolés » pour être bons et de toute façon sont souvent trop complexes et nombreux pour être bien utilisés, les objectifs individuels et entretiens annuels sont utilisés pour terroriser, manipuler et asservir les employés. Que signifie le fait de noter dans un entretien individuel 25 objectifs complexes et dont l’employé n’a pas toujours le contrôle ? Comment interpréter que l’entretien insiste sur les objectifs non réalisés (forcément, sur les 25), passant sous silence ceux qui sont réalisés ou dépassés ?

La culture d’entreprise
Appeler « culture » les pratiques d’une entreprise est déjà une grossière manipulation. Si la (vraie) culture enrichit celui qui la consomme, la culture d’entreprise n’est qu’un joint de silicone artificiellement placé entre l’individu et l’entreprise. Joint s’assurant de la fidélité des employés. Elle n’enrichit que très rarement les individus, mais peut au contraire fortement les aliéner lorsqu’elle est utilisée de manière abusive.


Perte des repères et arrivée du marketing RH
La stratégie des entreprises est devenue floue. De réorganisation en réorganisation, de fusion en fusion, l’employé est ballotté d’un endroit à un autre avec comme seul espoir de ne pas être licencié. Pour les employeurs cette insécurité apparente, ou réelle, est également idéale. Le salarié démotivé se remotive en pensant qu’il pourrait être encore plus mal : c'est-à-dire chez lui, à la recherche d’un emploi qu’il ne trouvera pas de si tôt.

Parfois cette menace, n’est plus suffisante pour assurer la motivation. Il faut donc un plan B aux entreprises. Quel est-il ? Il faut que les Ressources Humaines se transforment (avec un minimum de coût pour l’entreprise) en marketing pour les employés qui restent. C’est la nouvelle mode, décrite, entre autres, dans un livre de 2004, « Le marketing des ressources humaines : attirer, motiver, fidéliser le personnel de l'entreprise » de Philippe Liger (Directeur marketing RH du groupe Accor) chez Dunod. Sauf que depuis, nous pourrions renommer le livre « Le marketing des ressources humaines : motiver le personnel de l'entreprise » puisqu'attirer n’est plus à l’ordre du jour (on licencie plutôt) et puisque fidéliser n’est pas non plus nécessaire (la peur du chômage s’en charge).

Le salarié doit être considéré comme un client à séduire, accueillir et fidéliser lorsqu’il est docile ! Les entreprises veulent mettre en place un "employer appeal", autrement dit une attractivité de l'employeur, en appliquant les règles du marketing au domaine des ressources humaines. Mais ce, à moindre coût. Ne sortira de ces initiatives que du vent.

Un chômage volontairement haut
Depuis 1980, tous les gouvernements ont eu peur du plein emploi pour des raisons diverses. Certains pensaient, de bonnes fois, que c’était dangereux et non souhaitable. D’autres savaient que leurs intérêts étaient de créer les conditions d’un chômage massif. Chômage massif qui rend docile et qui baisse le coût du travail. Si à cette stratégie, nous y associons une forte promotion du crédit à la consommation, de la famille et des taux de crédit immobilier incompréhensiblement bas, l’équation est complète. L’individu qui a une famille, des crédits à la consommation et un crédit immobilier, est entièrement devenu mouton (à moins d’être fonctionnaire, mais cela aussi certains s’en occupent). Petit détail diabolique, en maintenant des taux de crédit immobilier bas et de nombreuses aides publiques, le nombre de propriétaires explose. Ceci crée une bulle immobilière (dont nous savons aujourd’hui combien elle est dangereuse) qui enrichit les spéculateurs et appauvrit les autres. Les prix augmentant, il faut toujours emprunter plus pour le même bien au fil des ans. D’une durée de 15 ans, les crédits immobiliers proposés sont passés à une durée de 20 ans, puis 25 ans et enfin 30 ans ! Et ce, alors que n’importe quelle entreprise ou gouvernement a une visibilité de 3 à 12 mois !

Pour conclure…
Finalement que reste-t-il à l’employé moderne ? Bien peu de choses. Même si le piège est bien préparé, notre humanité et ses faiblesses sont bien la cible de toutes les « délicates attentions » de nos entreprises. L’homme qui a peur se corrompt facilement et si la peur est forte, la morale et l’intégrité passent après. Nous pouvons pleurer, notre tombe est celle que nous creusons nous-mêmes un peu tous les jours.

Bien sûr, nous pouvons échapper de nous-mêmes à bons nombres de pièges : faire le moins possible de crédits, ne pas acheter notre résidence principale, partir de l’entreprise dès que notre intégrité est menacée, faire de la résistance passive, être très prudent et impliquer nos dirigeants, éviter les manipulations (Brain Storming, stages et concours pipeaux…), devenir nous-mêmes entrepreneur (et pas faux auto-entrepreneur), jouer au parfait mouton/loup dans les entretiens (même si l’on ne l’est pas du tout), ne rien attendre de l’entreprise (nous ne serons pas déçus) et faire monter au maximum les enchères lorsque nous sommes (rarement) en position de force, accepter notre condition de fusible (accepter c’est éliminer la peur dont l’entreprise est friande), ne pas faire de zèle (cela ne sert jamais), créer un cercle fort de collègues « amis ».

Rêvons un peu : si une majorité d’entre nous ne cédaient pas à la lâcheté en entreprise, le contexte, pour tous, serait très différent…

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