Dans son
discours de Marseille, le dimanche 19 février, Nicolas Sarkozy s’est
livré, la période du Carnaval s’y prêtant sans doute, à de multiples
métamorphoses devant les yeux de quelques milliers de militants UMP
ébahis, ravis, subjugués.
Le président des 1 % les plus riches endosse le costume du fils du peuple
« Je ne serai pas
le candidat d’une petite élite contre le peuple. Je veux être le
candidat du peuple de France » déclarait-il à Marseille.
Oublié la fiesta du Fouquet’s lors de son élection en 2007, oubliées les vacances sur le yacht prêté par son ami Bolloré.
Oubliée l’instauration d’un « bouclier fiscal » de 50 % qui permettait à
un millier de contribuables, parmi les plus riches, de recevoir, chaque
année, un chèque du Trésor public de 260 000 euros en moyenne (30
millions d’euros pour Madame Bettencourt). Oubliée la suppression de
l’impôt sur la fortune pour 300 000 riches ménages en 2011 avec un coût
de 1,9 milliards d’euros pour l’Etat.
A Marseille, le président des riches, des banques et de la finance, sans
le moindre scrupule, a revêtu le masque de Zorro, la cape noire du
candidat « antisystème » alors que la droite occupe la présidence depuis
17 ans, qu’il a été ministre dans tous les gouvernements de droite
durant la présidence de Chirac et qu’il est président de la République
depuis 5 ans.
Le destructeur d’emplois industriels se transforme en chantre des ouvriers.
« On oublie qu’une France (…) sans ouvriers, sans usines, sans ateliers
(…) serait une France (….) économiquement à la merci des autres ».
Certes, mais c’est surtout lui qui n’aurait pas du l’oublier car, au
cours des 3 dernières années notre pays a vu la fermeture de 900 usines
et la perte de 100 000 emplois industriels (500 000 en 10 ans avec la
droite au pouvoir).
En février 2008, Sarkozy promettait de sauver l’usine ArcelorMittal de
Grandrange et s’exclamait : « Grandrange comme voyage de noces y a pas
mieux ». L’usine fermera un an plus tard.
Ségolène Royal remue le fer dans la plaie, là où ça fait mal à Sarkozy :
« Le candidat UMP n’a pas le courage d’aller là où les gens souffrent
de ses promesses non-tenues ». Car les ouvriers d’ArcelorMittal Florange
n’ont toujours pas reçu la visite du président ou du candidat de l’UMP,
après l’annonce de la fermeture de deux hauts-fourneaux. Ils occupent
aujourd’hui le centre administratif de l’entreprise et seraient sans
doute ravis de recevoir Sarkozy en personne plutôt que ses CRS.
Le président qui s’était assis sur le référendum de 2005 devient le champion du référendum.
« J’ai entendu les cris de ceux qui pensent que se tourner vers le
peuple c’est du populisme. Au fond d’eux-mêmes, ils trouvent sans doute
que le peuple n’est pas assez raisonnable, que le peuple n’est pas assez
intelligent et que mieux vaut ne pas demander son avis au peuple »
Il ne manque pas d’air, lui qui n’avait pas eu le courage de soumettre à
un référendum la ratification du traité de Lisbonne, copie-conforme du
Traité Constitutionnel Européen que 55 % des électeurs avaient repoussé
lors du référendum de 2005. Lui qui n’avait pas osé soumettre à
référendum la privatisation de la Poste ou sa contre-réforme des
retraites. Peut-être ne trouvait-il pas, alors, le peuple assez
raisonnable, assez intelligent ? Tout comme le peuple grec d’ailleurs
lorsqu’il a menacé Papandréou de chasser la Grèce de l’euro (avec un
total mépris des traités européens qui s’opposent à une telle
éventualité) s’il maintenait son projet de référendum.
Il gouvernera, s’il est élu, à coup de référendum qu’il choisira
soigneusement afin de dresser les habitants de notre pays les uns contre
les autres : ceux qui ont un travail et ceux qui n’en ont pas, ceux qui
sont musulmans et ceux qui ne le sont pas, ceux qui sont étrangers et
ceux qui ne le sont pas…
Mais il évitera soigneusement tout référendum sur le traité européen dit
« pacte Merkozy », tout référendum sur l’augmentation de la TVA…
Consulter le peuple, certes mais quand même pas sur ce qui pourrait
fâcher les marchés financiers ou le Medef.
Il en profitera pour attaquer tous les corps intermédiaires qu’il a
dénoncés à Marseille, les syndicats en particulier mais aussi les partis
(sauf l’UMP), indiquant quel danger pour la démocratie constituerait sa
réélection.
Le président qui a infligé tant de souffrances se voile derrière son mouchoir pour pleurer.
« Je sais mieux que personne toutes les souffrances et toutes les difficultés… »
Sans doute, puisque de ces souffrances, il est le premier responsable
avec sa politique au service du Medef et des 1 % des plus riches de la
population.
En 2007, Sarkozy s’était engagé à réduire d’un tiers le nombre des 8
millions de pauvres. En 5 ans, le nombre de pauvres dans notre pays a
augmenté de 337 000. Selon l’Insee, l’écart entre les 10 % les plus
riches et les 20 % les plus pauvres s’est accru de 30 % entre 2004 et
2010.
Le système de santé français a longtemps été le meilleur du monde. Une
dizaine d’autres le dépasse aujourd’hui et ce sont les personnes
précaires qui souffrent le plus des cadeaux faits par Sarkozy aux
cliniques privées, aux trusts pharmaceutiques, aux compagnies
d’assurance. Les franchises et autres tickets modérateurs n’ont cessé
d’augmenter. Le nombre de médicaments (utiles) non remboursés ou moins
remboursés s’est multiplié. La hausse de la fiscalité des mutuelles,
qui leur a été imposée, aura pour conséquence une nouvelle augmentation
de leurs tarifs (déjà plus de 30 % en 5 ans) amenant de plus en plus de
Français à ne plus pouvoir se payer d’assurances complémentaires, alors
qu’un tiers des habitants de notre pays doit renoncer à se soigner. Une
journée de carence en cas de maladie a été imposée aux salariés de la
fonction publique et une baisse de leurs indemnités journalières pour
les salariés du privé percevant plus de 2 405 euros brut par mois. L’âge
de la retraite a été repoussé à 62 ans avec toutes les implications
d’un tel recul sur la santé de ceux à qui se sont vu voler deux années
de leur vie.
Durant cinq ans il n’y aura eu aucun coup de pouce au Smic. Les
allocations familiales et l’allocation logement ne seront revalorisées
que de 1 %. Mais les profits du CAC40 ont augmenté de 85 % en 2010 sans
que le président de la République s’en émeuve.
Le Président qui pouvait tout se déguise en victime de la crise
« Ensemble tout est possible » affirmait le candidat Sarkozy en 2007.
En octobre 2007, il affirmait : « La croissance de 2007, je n’y suis
pour rien, il faut la doper en 2008, et en 2009 ce sera la mienne ».
Résultats : la croissance de 2007 atteignait + 1 ,9 %, celle de 2008 +
0,9 % et celle de 2009 – 0,4 % !
En janvier 2010 il certifiait : « dans les semaines et les mois qui
viennent, vous verrez reculer le chômage dans notre pays ». Deux ans
plus tard, notre pays comptait 400 000 chômeurs de plus, 1 million de
plus depuis 2007.
A Marseille, il s’était retranché derrière des formules qui en disaient
long sur son incapacité à changer le cours des choses : « La vérité
c’est que le chômage n’a pas explosé comme ailleurs. La vérité c’est que
des milliers de Français n’ont pas été chassés de chez eux. » En
substance : nous avons eu la peste et le choléra mais tout le monde n’en
est pas mort, mon bilan est donc positif !
Quant à la crise que nous subissons aujourd’hui, loin d’en être la
victime, il en est l’un des premiers responsables, avec Angela Merkel,
puisque c’est à leur initiative que les pays de la zone euro subissent
des plans dits de « rigueur » qui les plongent dans la récession et le
chômage.
« Si la France a mieux résisté que d’autres c’est qu’elle a puisé sa
force dans ce qu’elle avait de meilleur » ose-t-il affirmer à Marseille,
alors que ce qui a, avant tout, permis à la France de mieux résister,
ce sont les acquis sociaux du salariat qui ont servi d’amortisseurs à la
crise mais que Sarkozy veut supprimer aujourd’hui.
Le Chanoine de Latran jette son froc aux orties et devient le champion de la laïcité.
Le 20 décembre 2007, Nicolas Sarkozy déclarait, lors de son
intronisation comme Chanoine de Latran, à Rome et par le Pape en
personne : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de
la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais
remplacer le curé ou le pasteur ».
A Marseille il affirmait « Je vois tous les jours la laïcité
attaquée… ». Mais la « laïcité » de Sarkozy n’a rien à voir avec la loi
de 1905 qui est une loi de tolérance qui accepte les processions
religieuses dans l’espace public, les sonneries de cloches…
La « laïcité » de Sarkozy est entièrement tournée contre l’Islam qu’il
veut ramener à l’espace privé alors qu’il tolère dans l’espace public
(comme le permet la loi de 1905) le rassemblement de dizaines de
milliers de jeunes pour les journées mondiales de la jeunesse (JMJ) les
processions catholiques, les calvaires, les pèlerinages à Lourdes…
Pourquoi ces deux poids et ces deux mesures ?
Le recordman de la dette publique devient le chevalier du déficit zéro.
« La dette de l’Etat et la dette des Français, c’est une seule et même dette ».
Quel culot ! Sous sa présidence, la dette publique a augmenté de 450
milliards d’euros, de 600 milliards d’euros depuis que la droite est au
pouvoir. Des centaines de milliards qui ont pour origine la baisse des
impôts des ménages les plus riches et des sociétés, et les dizaines de
milliards dépensés pour sauver les banques. De 64 % du PIB en 2007 à 86 %
fin 2011.
Le pourfendeur de l’Etat revêt le déguisement du défenseur de l’Etat.
« Je veux parler de cette grande chose en France qui s’appelle l’Etat. »
Cette grande chose qu’il a continuellement attaqué, sapé durant son
quinquennat : remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la
retraite, suppression de 70 000 postes de professeurs, de 13 000 postes
de gendarmes et de policiers, l’Hôpital public dépecé par les Agences
régionales de santé (ARS) au profit des cliniques privées et de leurs
actionnaires, la privatisation de GDF…
Le commis du Medef revêt les habits de l’homme libre.
« Quand on aime la France, on n’est prisonnier d’aucun groupe de
pression, d’aucun syndicat, d’aucune clientèle, d’aucune minorité ».
Toutes les principales contre-réformes de son quinquennat, il les a
menées selon les instructions précises du Medef : santé, retraites,
restriction du droit de grève, stagnation du Smic, fusion ANPE-ASSEDIC,
déconstruction du code du travail, ruptures à l’amiable du contrat de
travail, accords de compétitivité, augmentation de la TVA pour baisser
les cotisations sociales patronales… Le candidat Sarkozy est un homme
sous influence, du Medef et des marchés financiers.
Le Président « des copains et des coquins » se rase le crâne et gonfle ses biceps de Monsieur Propre.
« Quand on aime la France, on n’est prisonnier (…) d’aucune clientèle »
En juillet 2008 : Bernard Tapie qui avait soutenu Sarkozy en 2007 touche
45 millions d’euros dans le litige qui l’opposait au Crédit Lyonnais.
Le ministre de l’Economie avait opportunément pris la décision de
confier la résolution de ce litige à un tribunal arbitral et non à la
justice.
D’août 2008 à avril 2009, il fait garder par 15 gendarmes la villa corse de son ami Christian Clavier.
En octobre 2009 : son fils, Jean Sarkozy, 23 ans, étudiant en 2ème année
de droit, est proposé pour devenir président de l’EPAD, le centre
d’administration de l’un des plus important quartiers d’affaires
d’Europe.
En novembre 2009 : son ami Henri Proglio est nommé PDG d’EDF avec une
augmentation de 45 % de son salaire qui atteint 1,6 millions d’euros par
an.
En juin 2010 : Christine Boutin, qui s’est depuis retirée opportunément
de la course à la Présidence au profit de Sarkozy, est chargée d’une
mission « sur les conséquences sociales de la mondialisation » payée
9 500 euros par mois. Elle percevait déjà une retraite de parlementaire
de 6 000 euros.
En juin 2010 débute l’affaire Woerth-Bettencourt.
En septembre 2011 : l’affaire Karachi rebondit, deux proches de Nicolas Sarkozy sont mis en garde à vue.
Devant le tollé que provoque la décision de nommer Jean-Louis Borloo,
qui s’est lui aussi opportunément retiré de la course à l’Elysée, à la
tête de Veolia, Sarkozy recule et affirme qu’il y a maldonne.
Quant à Stéphane Guillon et Didier Portes, tous les deux licenciés de
France-Inter, ils n’étaient pas vraiment copains de Sarkozy ou de
l’Etat-RPR. Et ne l’envoyaient pas dire.
Le Président qui avait augmenté son salaire de 172 % se met à prêcher contre les rémunérations excessives.
« Il faut avoir le courage de dire aux élites qu’une partie d’entre
elles n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités en s’octroyant des
rémunérations qui défiaient le sens commun. »
Nicolas Sarkozy a, finalement, prononcé une seule phrase vraiment sensée
au cours de son long discours : « L’impunité en haut de l’échelle n’est
pas acceptable ». Aidons-le à la mettre en application : le 6 mai
renvoyons-le à son cabinet d’avocat d’affaires.
Jean-Jacques Chavigné
Le Blog de Gérard Filoche
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