Par Rémi Barroux

Pour Raymond Torres, directeur de l'Institut international d'études sociales de l'OIT, responsable du rapport, " il s'agit sans doute de notre dernière chance d'amener les pays à pratiquer d'autres politiques que l'austérité ".
L'an dernier déjà, alors que des signes (faibles) de relance pouvaient s'observer dans un certain nombre de pays, l'organisation internationale avait, dans de nombreux rapports et à l'instar des syndicats mondiaux, alerté les chefs d'Etat et de gouvernement sur l'importance de baser leurs politiques sur le renforcement de la croissance et la création d'emplois.
LES CONTRAINTES DE LA FLEXIBILITÉ
A l'issue du dernier G20, sous présidence française à Cannes en novembre 2011, les chefs d'Etat avaient annoncé leur intention de prendre en compte la dimension sociale de la relance économique. En vain, constate l'OIT dans son rapport. "La situation est même pire que l'an dernier, explique Raymond Torres. Pour certains organismes économiques, la croissance, c'est d'abord la flexibilité, la concurrence et la dérégulation. Avec le cumul de cette flexibilité et des politiques d'austérité, les licenciements sont plus faciles sans qu'il n'y ait, en contrepartie, aucune embauche par manque de croissance et de création d'emploi."
Le risque de récession et de déflation est alors réel, selon M. Torres. Cette volonté des gouvernements de rassurer les marchés serait illusoire et, explique le rapport, " dans les pays qui ont poussé le plus cette approche austérité-plus-dérégulation, principalement ceux d'Europe du Sud, la croissance de l'économie et de l'emploi a continué de se dégrader".
Dans ce qui pourrait être l'une de ses dernières tribunes avant de laisser le poste de directeur général de l'OIT, lors de la prochaine assemblée annuelle en juin à Genève, le Chilien Juan Somavia écrit, à l'occasion du 1er mai sur lemonde.fr, " il nous faut une vision "socialement responsable" de l'austérité budgétaire. Dans une démocratie, il vaut mieux cultiver la confiance populaire à long terme - en particulier celle des plus vulnérables - que de répondre mécaniquement aux demandes à court terme et jamais satisfaite des marchés financiers ".
"RISQUES ACCRUS DE TROUBLES SOCIAUX"
De fait, le rapport 2012 fait état de "risques accrus de troubles sociaux" (et donc politiques) dans de nombreux Etats. Dans 57 pays sur les 106 analysés et notamment en Afrique subsaharienne, au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe. Dans les pays occidentaux, les perspectives économiques ne sont guère encourageantes. " L'investissement productif est déprimé, le volume de crédit a diminué dans la zone euro, pénalisant surtout les petites entreprises, tout cela entrave toute possibilité de reprise ", poursuit M. Torres.
Mais l'OIT ne se contente pas de présenter le scénario du pire. " Nous devons changer de modèle ", écrit Juan Somavia, appelant à "une croissance différente, respectueuse de l'environnement, centrée sur les personnes, avec des économies et des sociétés ouvertes". On peut échapper au "piège de l'austérité", écrivent les auteurs du rapport.
Dans certains pays comme en Inde, en Amérique latine, en Afrique du Sud ou, plus récemment, en Chine, les salaires ont été augmentés, et "certains d'entre eux - par exemple, le Brésil, l'Indonésie, l'Uruguay... - ont réussi à créer des emplois tout en améliorant leurs qualités".
Mais ces exemples vertueux ne peuvent masquer une situation mondiale inquiétante. En aparté, le responsable du rapport confie qu'il reste à peine quelques mois pour que les politiques économiques changent. "Angela Merkel [la chef du gouvernement allemand] a évoqué, pour la première fois il y a quelques jours, la possibilité d'un sommet en juin sur la croissance et l'emploi, dit Raymond Torres. Mais on a vu un tel décalage entre les discours et la réalité que l'on peut rester méfiants et continuer de sonner l'alarme."
Rémi Barroux
Le rapport 2012 de l'OIT en chiffres Chômage des jeunes : il a augmenté dans quelque 80 % des pays avancés et dans deux tiers des pays en développement.
Chômage : plus de 40 % des demandeurs d'emploi des économies avancées sont au chômage depuis un an ou plus.
Protection sociale : dans 65 % des économies avancées, contre 28 % des pays émergents et en développement, des politiques de réduction des prestations sociales ont été mises en place.
Emploi informel : il représente 40 % de l'emploi dans deux tiers des pays émergents ou en développement.
Le site : Le Monde.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire