Mobilisation contre une circulaire du 25 juillet qui modifie les conditions de départ en retraite anticipée pour carrière longue.
Ils pensaient pouvoir se retirer au 1er janvier prochain. Avoir assez cotisé. Nés en 1949, 1950, 1951 ou 1952, âgés de 56 à 59 ans, ils étaient au travail dès 14, 15 ou 16 ans, et persuadés d’avoir l’âge et les trimestres requis pour la quille. Or, au beau milieu de l’été, les modalités du dispositif « retraite anticipé pour carrière longue » datant de 2003 ont été revues. Pour certains, c’est un an de plus qu’ils va falloir travailler, dès maintenant.
A la grande surprise de la CFDT, signataire de l’accord de 2003, de la CGT et de FO et des personnes concernées, bien décidées à ne pas se laisser faire. La riveraine Aro, qui nous a alertés sur ce dossier, s’active actuellement pour envoyer des courriers à tous les députés et sénateurs de France, espérant qu’ils saisissent le ministre du Travail et obtiennent une révision de cette mesure.
La lettre d’Aro aux députés.
C’est absolument scandaleux et injuste. Comment voulez-vous qu’une personne née après le 1er décembre 1952, obligée de par sa date de naissance à ne pouvoir prendre sa retraite qu’à partir du 1er janvier 2009, qui a cotisé 168 trimestres (obligatoires pour prendre sa retraite anticipée à 56 ans), ait cotisée 172 trimestres à moins d’avoir commencé à travailler à 13 ans ce qui n’était possible ! Monsieur le Député, j’espère que vous ne resterez pas insensible à cette situation absolument scandaleuse. Mon mari n’est certainement pas le seul dans cette situation, aussi, je vous demande formellement de bien vouloir intervenir auprès de monsieur le ministre Xavier Bertrand.
Au cabinet de Xavier Bertrand, on martèle que :
« Le dispositif est sauvegardé, malgré son coût très élevé (2,5 milliards d’euros par an). Ainsi, il reste possible de partir en retraite avant 60 ans si l’on a eu une carrière longue, c’est l’essentiel. »
Lors de la réforme Fillon de 2003, il avait été décidé de faire un point d’étape en 2008.
Un an de plus pour le régime général.
A partir de l’an prochain, la durée normale de cotisation pour le régime général sera ainsi rallongée de 40 à 41 ans. Mais cet allongement sera lissé entre 2009 et 2012, soit un trimestre de plus à travailler en 2009, deux de plus en 2010, etc pour arriver à un ans de plus en 2012.
Seulement, pour ceux qui travaillent depuis plus de quarante ans déjà, apprendre soudain qu’ils vont devoir rallonger, de un à quatre trimestres selon les cas, voilà qui passe mal. Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC, décrypte :
« Ce durcissement, qui consiste à demander à tout le monde de travailler plus longtemps, la CFDT l’a validé en 2003. Ce à quoi on assiste là n’est pas très étonnant. Le problème est que le dispositif retraites anticipées a coûté bien plus cher que prévu, donc le durcissement est plus radical pour cette catégorie de personnes. »
En effet, environ 100 000 personnes par an sont parties avec ce dispositif, plus de 450 000 depuis 2003 selon les chiffres de la Cnav. Avec les récentes modifications, le nombre de bénéficiaires pourrait descendre à 65 000 par an, selon la CFDT.
L’esprit et la lettre.
Le syndicat dénonce une disposition « injuste et demande au gouvernement de modifier les décrets et circulaires ». En effet, la lettre ministérielle envoyée à la Cnav et transformée en circulaire du 25 juillet 2008 n’a pas valeur réglementaire, et une révision simple semble possible. Au ministère du Travail, le cabinet de Xavier Bertrand a son interprétation des textes, justifiant qu‘« il y a l’esprit et la lettre » :
« La CFDT n’a qu’à expliquer tout cela en interne, et la Caisse nationale d’assurance vieillesse est là pour étudier les cas particuliers. »
Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT en charge du dossier retraites, estime que le gouvernement a fait un usage pervers de la loi.
Un « magnifique tour de passe passe »
Monique S. a 57 ans et travaille depuis l’âge de quinze ans et demi. Elle est actuellement assistante maternelle. Sa caisse d’assurance vieillesse lui avait annoncé un départ en retraite au 1er juillet 2008 et là, elle a l’impression de s’être fait « flouer d’une année ». Elle a écrit à son député, au ministre du Travail et au Premier ministre pour exposer son cas personnel et dénoncer « ce qu’il faut bien appeler un magnifique tour de passe passe », l’introduction de la notion d’année de naissance dans le nouveau dispositif. Très remontée, elle commence à se décourager :
« On déverse notre rage sur le forum de la CFDT. Mais il faudra peut-être qu’on fasse une manif… Je pense qu’on est peu nombreux, tout le monde s’en moque, on va passer à l’as. »
Décembre 1952, le mauvais mois.
Certains s’en sortent plus ou moins bien : au mieux un trimestre de plus à cotiser, comme tout le monde. Mais ceux qui sont nés en décembre 1952 subissent une peine plus sévère du fait de leur mois de naissance. « C’est le pire du pire », confirme Jean-Louis Malys de la CFDT.
C’est le cas du mari d’Aro, qui détaille :
« Il a travaillé trente-quatre ans à temps plein en usine, en deux huit ou trois huit. Et en parallèle, il a travaillé dans les vignes à temps partiel. Il lui est arrivé de travailler seize heures par jour, huit à l’usine et huit à la vigne. Il a travaillé et cotisé l’équivalent de 61 ans sur 42 années et il ne peut toujours pas partir à la retraite. »
Parmi les 100 000 personnes concernées chaque année par ce départ en retraite anticipée, on compte quelque 91% d’ouvriers ou d’employés, qui ont cumulé carrières difficiles et salaires bas. Et dont l’espérance de vie est bien moindre que la moyenne des Français.
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