samedi 11 octobre 2008

L'indécent déjeuner à 150 000 euros de Fortis

Réfugiés dans les salons feutrés - dans les tons or et pastel - de l'Hôtel de Paris, le palace le plus cher de Monaco, les cadres de la branche assurances de Fortis ont refusé de dévoiler le menu. Dommage.

A 3 000 euros le couvert, le chef du prestigieux restaurant Louis-XV, Frank Cerruti, a déployé tout son art pour ce déjeuner dont la facture se montait à 150 000 euros. C'est le prix de l'"événement culinaire" auquel le groupe Fortis avait convié, vendredi 10 octobre, une cinquantaine de courtiers indépendants, partenaires de la société d'assurance belgo-néerlandaise, rachetée lundi par BNP-Paribas. La dégustation fut royale, le plaisir impérial et la gêne à peine perceptible.

Sur le Rocher, on n'apprécie guère cette publicité. Les riches résidents n'aiment pas que les projecteurs soient braqués sur eux et que le prestige de la principauté devienne objet de sarcasmes. Fortis, qui a frôlé la faillite, "prouve que le ridicule ne tue plus, en organisant un repas de luxe indécent en pleine tempête financière", s'agace un banquier monégasque, requérant l'anonymat. Des vigiles protégeaient des regards indiscrets la splendide salle Empire de l'Hôtel de Paris.

La carte donne une idée de l'exceptionnelle qualité gastronomique - et des tarifs - de l'établissement, qui abrite la plus grande cave à vins du monde, avec quelque 250 000 bouteilles, "pour la plupart impayables", selon le guide Lonely Planet. Le fumet de homard lié à une purée de châtaigne (106 euros) résiste à la chute des Bourses. Le caviar osciètre royal d'Iran (480 euros les 50 grammes) n'a rien à redouter de la crise. Sur le pont du Titanic, les convives n'ont pas perdu le goût des belles choses.

"UNE INSULTE"

Tandis que les courtiers savouraient ces mets et ces nectars, le Parti socialiste, en Belgique, a dénoncé ces agapes. "Le monde de la finance a perdu toute décence et en vient ainsi à jouer avec des sommes dépassant tout entendement, tandis que d'autres triment pour boucler les fins de mois", s'est insurgé le PS, condamnant "une insulte à l'égard de milliers d'épargnants, d'investisseurs et de l'Etat". "L'événement est prévu depuis des mois et s'inscrit dans le cadre d'actions commerciales habituelles", précise Fortis dans un communiqué.

Paul Barelli (Nice, Correspondant)

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