samedi 11 octobre 2008
Amiante : les victimes réclament un procès
En silence, plusieurs milliers de victimes de l'amiante et membres de leur familles - 6 000 selon les organisateurs, 2 000 selon la police - manifestent dans Paris, samedi après-midi, pour réclamer «un grand procès pénal de l'amiante». «Les empoisonneurs doivent être jugés», «non à la double peine : mourir d'amiante et d'indifférence» peut-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants.
Depuis quatre ans, à chaque rentrée, les victimes de l'amiante défilent dans les rues de Paris pour dénoncer le «scandale» d'une instruction judiciaire loin d'être close douze années après les premières plaintes.
«Il y a des gens qui ont des comptes à rendre, il faut qu'on sache que, quand on ne respecte pas la règle du jeu, on peut être traduit en justice», affirme François Desriaux, président de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva). «Si on sait qu'il y a une amnistie généralisée, on y va de bon coeur.»
Peu de temps après avoir quitté Sèvres Babylone (VIIe) en direction du ministère de la Justice, place Vendôme (Ier), les manifestants ont accroché une banderole sur laquelle on pouvait lire «ministère de l'Injustice» sur l'hôtel particulier de Bernard Tapie, rue des Saints Pères. Une manière de protester contre la différence entre l'indemnisation à laquelle l'ex-hommes d'affaires a récemment eu droit et celle que perçoivent les victimes de l'amiante.
«L'Etat a alloué à Bernard Tapie 45 millions d'euros au titre du préjudice moral, mais les veuves et épouses des victimes de l'amiante reçoivent entre 30 000 et 40 000 euros : il n'est pas normal que les souffrances morales soient évaluées de façon différente quand on est riche et quand on est pauvre», s'est insurgé Michel Périgot, vice-président de l'Andeva.
Les annonces de Rachida Dati ne rassurent pas
Vendredi, la ministre de la Justice, Rachida Dati, a reçu les réprésentants de l'Andeva place Vendôme. La garde des Sceaux leur a affirmé avoir obtenu obtenu «le triplement des moyens d'enquête dédiés au dossier amiante». Dans un communiqué, le ministère précise : «L'équipe est désormais composée de 11 enquêteurs chargés exclusivement des dossiers de l'amiante», ajoutant que «l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) est maintenant composé de 42 enquêteurs spécialisés». Par ailleurs, «les 54 procédures pénales actuellement en cours sont regroupées dans les pôles de santé publique des tribunaux de Paris et Marseille et suivies par des magistrats spécialisés, dans un souci d'efficacité».
Mais pour l'Andeva, on est loin du compte. «Cela ne nous rassure pas, affirme François Desriaux, président de l'Andeva, je rappelle qu'en janvier on nous avait promis qu'il y en aurait 14 (enquêteurs), tout cela n'est pas sérieux». Et d'ajouter : «à l'OCLAEST, en juin, on était passé de 42 instructeurs à 21, on nous dit que le nombre est repassé à 42, mais en dehors de l'amiante, ils s'occupent des affaires de dopage, de l'hormone de croissance, des laboratoires clandestins de médicaments».
«Mme Dati sait faire part de sa détermination quand un sujet lui tient à coeur, je ne l'ai jamais entendue à propos de la catastrophe de l'amiante qui fait 3 000 morts par an, et pour laquelle il est clairement établi, y compris par la justice civile, qu'il y a des responsabilités pénales», dit-il encore.
«Ce qui se joue, c'est la santé publique dans le monde du travail»
Le président de l'Andeva reconnaît la complexité d'un dossier «où les responsabilités sont enchevêtrées entre celles des industriels, des employeurs et des pouvoirs publics», mais il est important, selon lui, que tout le monde soit renvoyé en même temps devant le tribunal pour éviter «qu'ils ne se rejettent la faute». «Ce qui se joue, c'est la santé publique dans le monde du travail», dit-il, rappelant que, depuis l'affaire de l'amiante, «on a fait des réglementations très intéressantes, mais qui ne sont pas appliquées».
Utilisé pendant des années pour ses qualités d'isolation acoustique et thermique, l'amiante a causé des ravages parmi les travailleurs qui l'ont manipulé. Les victimes de l'amiante peuvent demander réparation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), intallé début 2005. En deux ans, la Fiva a versé 1,64 milliard d'euros d'indemnisation et reçu 63 325 demandes.
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