samedi 4 avril 2009



Juste avant de se noyer dans un étang, la semaine dernière, à dix kilomètres de son entreprise de porcelaine, Philippe Widdershoven avait laissé une lettre dans le local du comité d’entreprise : «Je veux que mon suicide soit reconnu en accident du travail.» Il y parle de la «pression» et du «harcèlement» que lui aurait fait subir sa direction.

Le drame a eu un écho médiatique et politique que nul n’attendait. Philippe Widdershoven était délégué syndical CGT et directeur informatique de l’entreprise Deshoulières, à Chauvigny (Vienne). Sa mort a donné lieu à une minute de silence au Sénat, lors des conseils municipaux de deux communes différentes… et suscité un grand nombre d’articles dans la presse.

C’est sans doute pourquoi la direction de Deshoulières a finalement décidé de déclarer le suicide en accident du travail. Cyrille Roze, directeur général de Deshoulières, nommément accusé dans la lettre qu’a laissé Widdershoven, ne reconnaît pas l’avoir harcelé. «Mais je peux accepter que le travail était une composante de son suicide, a-t-il expliqué à Libération, jeudi. Délégué syndical, il a sans doute mal vécu le plan social mis en place ces derniers mois. Cette déclaration d’accident du travail était une demande de sa part, je considère qu’il a ce droit.»

La décision est rare. «C’est un document purement administratif, note Emmanuelle Boussard-Verrecchia, avocate de l’une des familles d’un suicidé du Technocentre de Renault. Mais en acceptant de faire cette déclaration, l’employeur fait bénéficier à la famille de la "présomption d’imputabilité" d’une cause professionnelle au suicide : s’il veut contester toute responsabilité de l’entreprise - ce qu’il peut faire - ce sera à lui d’apporter les preuves que le suicide n’a aucun lien avec le travail mais avec des causes personnelles ou familiales.» Cette déclaration, Renault n’avait pas voulu la faire pour les deux suicides intervenus en dehors des murs du Technocentre.

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