Le Cash-Flow ... ou la vie !
Les chiffres sont accablants et accusateurs : la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a reconnu 28 suicides comme accidents du travail entre janvier 2008 et juin 2009, sur 72 demandes de reconnaissance adressées durant cette période, dont cinq sont encore en cours d'examen.
Les personnes suicidées ayant fait l'objet d'une déclaration se répartissent à quasi-égalité entre un tiers de personnes très qualifiées (dirigeants ou professions intellectuelles
supérieures), un tiers de professions intermédiaires, et un tiers de salariés peu qualifiés (ouvriers, conducteurs, manœuvres).
Désormais, le gouvernement, mais aussi le Medef ne peuvent plus ignorer ou minimiser le mal-être et le stress au travail. Ils ne peuvent plus le ramener à des faiblesses individuelles de salariés fragilisés par leur vie personnelle et rendus incapables de supporter la guerre économique que se livrent les entreprises.
L’État fait figure de mauvais élève et ferait bien de faire le ménage devant sa porte, tant les entreprises dont il est actionnaire sont peu exemplaires du point de vue social. D’ailleurs, comme le souligne la secrétaire générale de l’UGICT-CGT dans un point de vue dans l’Humanité de ce lundi, « France Télécom n’est pas un îlot de concentration de mauvaises pratiques managériales dans un océan de gouvernance vertueuse ».
A telle enseigne d’ailleurs que la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, a cru bon de demander dans un courrier aux dirigeants d'Aéroports de Paris, EDF, GDF-Suez, RATP ou SNCF, (entreprises dans lesquelles l'État est actionnaire) d'être « exemplaires » en matière de gestion et d'accompagnement des salariés, pour éviter des « événements tragiques » comme chez France Télécom. Elle explique que « la période de tension économique que nous traversons doit conduire les dirigeants des entreprises à une attention particulièrement soutenus en matière de gestion des ressources humaines ».
La commission des Affaires sociales du Sénat a annoncé jeudi avoir demandé la création d'une mission d'information sur le mal-être au travail à la suite de l'audition fin septembre du PDG de France Télécom. De son côté, le ministre du Travail a demandé la semaine dernière à toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés d'ouvrir des négociations sur le stress et d'avoir avancé avant le 1er février 2010. Mais aucune contrainte financière n'est pour l'heure annoncée pour les entreprises qui n'engageraient pas de telles négociations.
A défaut d'accord sur le stress, le ministre demande aux entreprises d'élaborer un diagnostic et un plan d'action. Il y a donc beaucoup d’agitation médiatique autour d’un sujet qui met en lumière les dégâts humains d’un management forcené. Mais on peut redouter hélas, que ces gesticulations conduisent là-encore à ne rien changer sur le fond. Or, c’est bien d’un management alternatif dont il y a besoin. « Il suppose des transformations profondes tant au niveau de l’organisation du travail que des stratégies, du fonctionnement et du pilotage de l’entreprise », insiste Marie-José Kotlicki qui développe dans cet article de l’Humanité (daté du 12 octobre) les axes d’intervention que l’UGICT-CGT propose. Il s’agit, notamment, de refonder l’entreprise, c'est-à-dire passer d’une société d’actionnaires à une communauté de travail, ce qui suppose de bâtir des nouveaux outils de gestion orientés sur la valeur ajoutée et non plus sur le cash-flow.
Au-delà des drames, il y a donc tout un champ revendicatif qui s’ouvre. A nous d’y porter nos propositions auprès des salariés qualifiés et en responsabilités.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire