Un élu pugnace du Conseil de Paris a instillé une commission pour évaluer les effets de la fameuse loi de Robien, adoptée dans la foulée d'accidents mortels, sur la maintenance des ascenseurs. Résultat : un coût prohibitif de plus de 10 000 euros par propriétaire, sans pour autant garantir une meilleur sécurité. Explications et documents de la mission d'évaluation.
A qui profite réellement la loi de Robien qui impose à tous les propriétaires de logements et les bailleurs sociaux, de coûteux travaux de sécurisation de leurs ascenseurs avant 2013 et 2018 ? Ces investissements massifs - la facture au plan national initialement prévue à 4 milliards d’euros devrait dépasser les 8 milliards - ont-il permis une amélioration de ces transports verticaux dans la capitale ? C’est ce que voulait savoir les membres de la pugnace commission d’investigation du Conseil de Paris, présidée par Ian Brossat, un élu communiste du XVIIIe arrondissement. Son rapport accablant (1) que Marianne livre en exclusivité à la sagacité de ses internautes, nous en apprend beaucoup sur les dérives financières qui peuvent accompagner l’introduction de nouvelles normes, nouveau cheval de bataille de François Baroin le ministre du budget.
Souvenez-vous, c’était en juillet 2003. La loi de Robien était votée quelques semaines après deux accidents mortels à Amiens et à Strasbourg. Fruits de cogitations d’experts, les travaux qu’elle préconisaient s’inspiraient largement des désidératas des ascensoristes et de l’AFNOR l’Association Française de Normalisation. En toute logique, pour éviter les dérapages en tous genres, les pouvoirs publics auraient du surveiller ces marchés oligopolistiques comme le lait sur le feu. Las, faute d’un suivi tatillon de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, les quatre grands groupes- l’Allemand Thyssenkrupp, le Finlandais Koné, l’américain Otis et le Suisse Schindler- qui dominent le secteur-, submergés de demandes de devis, ont prioritairement modernisé les appareils de leur fabrication. Du coup, faute de concurrence systématique, leurs additions se sont envolées. Ainsi à Paris, il pourrait au final en coûter de 10 à 15 000 euros à chaque propriétaire pour respecter la loi ! Une addition plus que salée !
Certes une partie de ces nouvelles normes, comme le soulignent de nombreux intervenants auditionnés par la mission du Conseil de Paris, ont, bien sûr, leur utilité : elles ont réduit le niveau des accidents du travail, -ce dont chacun ne peut que se féliciter. En revanche, ces investissements massifs ne se traduisent nullement par une diminution drastique du nombre de pannes dont la fréquence est encore supérieure à 2 par mois en moyenne par cabine en Ile de France ( 1,4 dans la capitale), selon les boîtes noires de 8000 ascenseurs. Pire, ces relevés exécrables qui condamnent les locataires à des défilés de Sioux dans des escaliers exigus, s’expliquent d’abord, selon plusieurs témoignages de techniciens devant la mission, par une maintenance insuffisante effectuée par des techniciens débordés (20 minutes par mois et par cabine en Ile de France selon les relevés). Défaut de maintenance, justement qui était déjà à l’origine des deux accidents mortels qui ont motivé le vote de la loi Robien ! En outre, ces pannes trahissent un phénomène pour le moins ubuesque : les appareils rénovés sont bien plus fragiles parce que plus sophistiqués. Et le service est loin d’être à la hauteur du palier vendu par les ascensoristes. Ce que reconnaît d’ailleurs Stefan Krause de Thyssenkrupp France (lire son audition (2). Un comble !
En a-t-on au moins fini avec les drames, ce qui apporterait au moins une consolation morale aux bailleurs sociaux et aux propriétaires mis à contribution ? Rien n’est moins sûr. En effet la loi de Robien rend obligatoire un contrôle indépendant des ascenseurs tous les cinq ans. Mais cet examen laisse fortement à désirer car nombre de ces certificateurs, faute de pouvoir exiger la présence de techniciens ascensoristes, ne peuvent effectuer des contrôles conformes mesurant réellement la sécurité et l’entretien des installations. « D’ici deux à trois ans, nous seront confrontés à de nouveaux scandales. »confie à Marianne Stéphane Doré, du bureau d’études A2C « Quand on va tourner autour de Mars, on doit pouvoir caler un ascenseur sur un palier. » s’est défendu Gilles de Robien entendu par la mission parisienne, en précisant qu’il n’avait pas suivi particulièrement l’application de sa loi. C’est en effet le propre des fromages du privé, ne jamais attirer l’attention des politiques et rarement celle des médias…
Lire ci-dessous les deux documents exclusifs :
(1) le rapport de la mission d’investigation du Conseil de Paris
(2) l'audition du PDG de Thyssen
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire