Réforme des retraites :
coup de chaud entre les syndicats et le gouvernement
coup de chaud entre les syndicats et le gouvernement
Je n'éteindrai pas le feu", confie Bernard Thibault, en n'excluant "aucun schéma social" pour la rentrée sur la réforme des retraites. Entre les syndicats et le gouvernement, on assiste à un nouveau coup de chaud.
Le secrétaire général de la CGT invite le gouvernement à ne pas sous-estimer la montée du mécontentement et la "mobilisation de haut niveau" prévue le 7 septembre par l'intersyndicale CFDT-CFTC-CGT-FSU-Solidarités-UNSA, au moment où s'engagera le débat sur le projet de loi à l'Assemblée nationale. M. Thibault insiste sur l'ampleur de la journée d'actions du 24 juin – où, selon ses chiffres, 2 millions de personnes ont manifesté – assurant qu'elle a "surpris" Raymond Soubie, le conseiller social de Nicolas Sarkozy, qu'il a rencontré quelques jours après.
Les syndicats n'ont pas l'intention de se mêler de l'affaire Woerth-Bettencourt, encore moins de demander la démission du ministre du travail – "Que ce soit Woerth ou un autre, observe M. Thibault, celui qui est aux manettes c'est Nicolas Sarkozy" – mais ils relèvent qu'elle provoque un climat délétère où remonte le sentiment d'injustice chez les salariés. "Aujourd'hui, note un syndicaliste, le moindre majordome est capable d'ébranler la République." Pour M. Thibault, "la réforme des retraites risque d'être prise en otage par la situation politique actuelle".
"UNE RÉFORME INJUSTE ET INACCEPTABLE"
Plus que jamais décidée à maintenir la pression sur le gouvernement, l'intersyndicale a publié, jeudi 8 juillet, une déclaration commune dans laquelle elle hausse le ton à l'égard du gouvernement. Les six organisations "réaffirment leur opposition au contenu de cette réforme injuste et inacceptable" et "la nécessité de préserver le droit au départ à la retraite à 60 ans". Elles pointent plusieurs éléments qui, à leurs yeux, vont "aggraver les inégalités" : "Le report brutal, 62 et 67 ans des âges légaux va fortement pénaliser les salariés et notamment ceux ayant commencé à travailler jeunes ; celles et ceux ayant des carrières incomplètes et chaotiques, en particulier les femmes qui sont aujourd'hui 28 % à travailler jusqu'à 65 ans pour bénéficier d'une retraite à taux plein ".
A la faveur du débat parlementaire, les syndicats espèrent que des amendements corrigeront plusieurs points de la réforme auxquels ils sont particulièrement sensibles : la reconnaissance d'un "droit collectif" – et non individualisé et médicalisé, comme dans le projet actuel – à la prise en compte de la pénibilité, les carrières longues et la situation des polypensionnés, ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes.
Pour autant, M. Thibault ne baisse pas les bras et n'exclut pas une mobilisation durable, en se gardant de pronostiquer un nouveau décembre 1995, qui porterait sur l'ensemble de la politique économique et sociale, sur fond de rigueur accrue, et l'obligerait à revoir sa copie sur les retraites.
Le secrétaire général de la CGT refuse toutefois de réclamer le retrait du projet de réforme, estimant qu'il faut "des mesures" pour assurer l'équilibre financier des régimes. "Je refuse qu'on s'inscrive dans une stratégie du tout ou rien, affirme-t-il. Parler de grève générale, c'est une stupidité."
M. Thibault s'inquiète de la stratégie de Force ouvrière qui a assisté à la dernière réunion de l'intersyndicale, après l'avoir boudée, et a appelé à manifester le 7 septembre. Mais, au lendemain de cet appel, Jean-Claude Mailly a envoyé une circulaire à ses organisations pour indiquer qu'il n'y avait pas eu de "déclaration commune" et que FO maintenait son mot d'ordre de "retrait" de la réforme. En d'autres termes, FO devrait participer à la journée du 7 septembre mais pourrait organiser des manifestations "en parallèle". Ce nouveau cavalier seul est vivement dénoncé par la CGT.
"UNE VISION RÉTROGRADE DU DIALOGUE SOCIAL"
La tension est également montée d'un cran entre les syndicats et le gouvernement, après le vote par les députés de la majorité d'un amendement rejetant, contre l'avis d'Eric Woerth, le projet de création de commissions paritaires de dialogue social dans les très petites entreprises (TPE).
Pour M. Thibault, il s'agit d'un nouveau coup de canif dans la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale, Jean-François Copé, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, ayant ainsi cédé au lobbying du Medef et de la CGPME, contre l'avis de l'Union professionnelle artisanale (UPA) et de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) qui étaient favorables à cette disposition.
Pour Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT, ce vote "témoigne d'une vision rétrograde du dialogue social qui serait uniquement une contrainte et non une solution utile pour les salariés et les entreprises". M. Berger y décèle "un fort mépris à l'égard du syndicalisme et un déni de son rôle dans la société".
Les syndicats voient dans ce vote sur les TPE un signal d'autant plus négatif que les députés UMP ont profité de l'affaiblissement du ministre du travail. Qu'en sera-t-il en septembre, compte tenu de l'évolution du climat politique, s'interrogent-ils, alors que M. Copé a déjà fait savoir qu'il entendait durcir le projet du gouvernement sur les retraites, notamment sur l'allongement des durées de cotisations. Avis de tempête en perspective.
Michel Noblecourt
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