jeudi 8 juillet 2010


L'UMP repousse les TPE dans leur désert syndical
La réforme de la représentativité qui devait être votée cette nuit a été vidée de son contenu. Et 4 millions de salariés restent sur le carreau.

La politique sociale du gouvernement devait prendre un sérieux coup, hier soir, lors de l'examen à l'Assemblée du projet de loi sur le dialogue social dans les très petites entreprises (TPE). Les députés de la majorité devaient vider le texte de son contenu. Privant 4 millions de salariés d'un embryon de représentation collective, qui leur était promis. Et consacrant le succès d'un intense lobbying patronal auprès des élus de la majorité.
Le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, se prévalait même hier - à demi-mot - d'un soutien présidentiel, rapportant que le chef de l'Etat «a très clairement dit que c'était à l'Assemblée de trancher cette question». Comprendre : n'en déplaise au ministre du Travail, Eric Woerth, à l'origine du texte.

L'idée d'introduire du dialogue social dans les entreprises de moins de 11 salariés n'est pas née d'une soudaine philanthropie de la droite. Mais d'un principe constitutionnel d'égalité devant la loi. En effet, les salariés des TPE ne disposent aujourd'hui ni de délégué du personnel ni de comité d'entreprise ou de CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). En avril 2008, la CGT, la CFDT, la CGPME et le Medef ont adopté une «position commune» où ils affirment la nécessité d' «élargir [...] la représentation collective» aux salariés des TPE.

Problème : le Medef et la CGPME refusent d'ouvrir des négociations. Le gouvernement rédige donc un projet de loi. Mais alors qu'il est soutenu par trois organisations patronales (les artisans de l'UPA, les professions libérales de l'UNAPL, et les exploitants agricoles de la FNSEA), la CGT et la CFDT, le texte subit une virulente opposition du Medef et de la CGPME, qui y voient une «mise sous surveillance des TPE» et qui soutiennent que le dialogue dans ces entreprises se fait naturellement entre patron et salariés. Elément contestable quand on sait que la majorité des dossiers déposés aux prud'hommes proviennent des TPE.

Sondage. Que prévoit concrètement le texte ? Certainement pas d'introduire des délégués du personnel dans les TPE. Mais de mesurer l'audience des syndicats par un vote régional par Internet et par correspondance, tous les quatre ans dès 2012. Les organisations élues devant siéger, au côté du patronat, dans des commissions paritaires régionales. Pour calmer l'ire de la CGPME et du Medef, le texte n'a cessé d'être raboté, précisant que les commissions seraient facultatives, qu'elles ne pourraient pas conclure d'accords, ni pénétrer dans une entreprise sans l'aval du patron. En somme, elles suivraient l'application des conventions et accords collectifs et développeraient le dialogue social. Mais cela n'a pas suffi et, le 29 juin, en commission des affaires sociales, les députés UMP se débarrassent des commissions. «C'est un marqueur politique, l'UMP ne se voit pas favoriser les syndicats dans les TPE», justifie le député (UMP) Louis Giscard d'Estaing. Quid des engagements pris dans la «position commune» de 2008 ? «L'engagement c'était de réfléchir à la représentativité», répond l'entourage de Copé. Les salariés des TPE vont se contenter, en guise de représentation collective, d'une invitation à voter tous les quatre ans. Sans que les syndicats élus ne siègent nulle part. Un simple sondage.

«Démagogie». Une vraie victoire, en revanche, pour la CGPME et le Medef. «Ils ont fait un lobbying incroyable, dit Alain Berlioz-Curlet, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA) en Rhône-Alpes. Certains parlementaires se sont fait retourner.» Et comme le gouvernement ne s'est pas mouillé pour défendre son texte...

Dominique Dord, rapporteur UMP du projet de loi, regrette la «démagogie» qui a entouré la discussion du projet, où «certains députés ont craint de se faire taxer de droite molle qui donne sa voix aux syndicats». «On aimerait bien être démenti sur notre vision du syndicalisme, ironise-t-on chez Copé. Mais quand on voit ce qu'il se passe sur les retraites, où l'on se heurte à des non, non, non...

Qui est le plus rétrograde dans l'affaire ?» Au-delà d'une vision archaïque du syndicalisme, le forcing de la CGPME et du Medef trahit des enjeux de pouvoir. Avec, en ligne de mire, les élections des chambres de métiers et de l'artisanat, en octobre. «Ils ont peur que leur position dominante soit remise en cause», dit Patrick Fournier, secrétaire de l'UPA en Paca. «Il y a des enjeux économiques énormes, ajoute Claude Chapuis, de l'UPA Rhône-Alpes.

Leur stratégie est d'empêcher les petites entreprises de s'organiser. Ça arrange les donneurs d'ordre. Ils veulent nous empêcher de nous moderniser pour mieux nous exploiter.» A l'UMP, parmi ce qui reste de défenseurs du texte, on relativise l'échec. Dominique Dord : «Le texte ne mérite pas qu'on en fasse une affaire d'Etat. Ce n'est pas l'alfa et l'oméga de la politique sociale du gouvernement.»

Par Julia Pascual Dessin Laurent lolmède

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