mercredi 13 octobre 2010


3 500 000 : unis, déterminés, pour gagner

Publié le 13 octobre 2010 par Patrick Le Hyaric

3 millions 500 000 ! C’est le plus grand mouvement social en cours depuis très, très longtemps dans notre pays. Une ambiance certes festive, mais surtout empreinte d’un désir de solidarité, a marqué les cortèges. Plus que dans les autres manifestations, j’ai pu y sentir un sentiment de responsabilité et de gravité. Comme si quelque chose de très important était en train de se jouer dans notre pays. L’unité syndicale qui permet ce mouvement est remarquable et décisive.

Les jeunes prennent peu à peu leur place dans le mouvement comme pour confirmer que la retraite c’est surtout leur affaire.

L’ancrage populaire du mouvement dans les régions et petites villes dans les régions se poursuit. Plus de 10 000 Humanité ont été diffusées dans le cortège parisien. Des milliers d’autres dans les autres cortèges, ainsi que le numéro spécial retraite de l’Humanité que continuent de demander celles et ceux qui participent au mouvement. En effet, l’Humanité est le seul journal qui a publié dans son intégralité le texte de la contre-réforme du gouvernement. Elle a aussi publié la proposition d’une autre réforme des retraites des groupes communistes, citoyens et du parti de gauche déposée à l’Assemblée Nationale et au Sénat.

Cette mobilisation est d’autant plus exceptionnelle que le pouvoir a joué, depuis le mois de juin, de tous les artifices. Il comptait sur la période d’été pour que tout le monde oublie. Camouflage du contenu de sa contre réforme ; refus de négociations sérieuses avec les syndicats ; mensonges et trucages des chiffres ; passage en force à l’Assemblée Nationale en empêchant les parlementaires de gauche de donner leur explication de vote comme le règlement de l’Assemblée Nationale leur en fait droit. Puis, le week-end dernier, le vote des articles 5 et 6 de sa contre réforme au Sénat avant l’examen et le vote des articles 1,2, 3 et 4. Mieux, et à se tordre de rire : au moment où débutaient les manifestations, le site internet du Figaro dénichait une étude d’un institut allemand pour l’étude du travail, sur le lien santé-travail et titrait : « Une étude publiée récemment montre que les ouvriers profitant de mesures de retraites anticipée ont plus de chance de mourir avant 67 ans » ! En faisant voter les articles 5 et 6, ceux qui font reculer l’âge de la retraite à 62 et 67 ans, le gouvernement croyait pouvoir démobiliser le mouvement social. C’est exactement le contraire qui se produit. Plus les jours passent, plus les mobilisations sociales gagnent en ampleur et en détermination. Cette mobilisation touche les profondeurs du pays. Tous les électorats, toutes les opinions syndicales des plus petites villes jusqu’à la capitale. Les secteurs privés s’y engagent fortement. Les jeunes rentrent désormais en force dans le mouvement.

A ce propos, l’argumentaire de la droite selon lequel on manipulerait les jeunes est totalement abject. Pourquoi les adolescents à qui l’on vient d’imposer, il y a quelques mois, la majorité pénale, reconnaissant par là leur responsabilité, n’auraient-ils pas voix au chapitre ? On peut les mettre en prison, les poursuivre et on refuserait à des lycéens, à des étudiants, d’être des citoyens, de s’exprimer sur un sujet qui les concerne aujourd’hui. Ils ne savent pas si de réformes en réformes on ne les obligera pas à prendre leur retraite à 70 ans, à 72 ans, peut-être à 75 ans, au train ou vont les choses.

D’ailleurs pourquoi le gouvernement qui n’a cessé de dire que cette réforme concernait d’abord les générations à venir empêcherait celles-ci de s’en mêler ? Le pouvoir semble dire aux jeunes : ne vous mêlez surtout pas de ce qui vous regarde ! En effet, le projet gouvernemental poussera les parents et grands-parents au travail de plus en plus longtemps, jusqu’à 67 ans pour les catégories les plus pauvres et leurs enfants eux seront au chômage, sans être sûrs d’avoir demain une retraite. Quelle incohérence ! La réforme bloquera près d’un million d’emplois pour les jeunes et réduira donc en conséquence les recettes des caisses de retraites.

Ce mouvement profond, déterminé, se situe dans la grande tradition française de lutte pour la justice et l’égalité. Depuis la Révolution française notre peuple est pétri de cette indispensable égalité. Telle est la question de fond. Le peuple refuse de payer une crise qui continue de profiter aux possédants. L’unité du peuple dans sa diversité se fait sur ce thème : le refus des injustices, le refus de plus en plus clair et fort du gouvernement des riches, pour les riches, qui dirige aujourd’hui la France. Depuis le bouclier fiscal, les cadeaux aux grands patrons, les révélations sur l’affaire Woerth-Bettencourt, celle de la semaine dernière du Conseil des prélèvements obligatoires qui montre que les grandes entreprises reçoivent un cadeau de 173 milliards d’euros de niche fiscale, d’autres injustices comme les exonérations de charges patronales pour de grandes entreprises, l’exonération de cotisations sociales sur les revenus financiers sont devenues insupportables. Cette insupportable odeur d’injustice se retrouvera au fond des urnes aux prochaines élections cantonales et aux présidentielles de 2012.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Président de la République a réuni hier, lors d’un déjeuner à l’Elysée, quelques députés de droite afin d’organiser une fuite selon laquelle il était en train de s’occuper d’une réforme fiscale. Mais ne nous y trompons pas, le remède risquerait d’être encore pire que le mal puisque sous couvert de réduire ou d’annuler le bouclier fiscal, on supprimerait l’impôt sur les grandes fortunes.

Le mouvement en cours prend de plus en plus la forme d’une action contre le système lui-même, le refus de l’ultralibéralisme.

Sans attendre, travaillons partout, dans l’unité, à élargir encore ce mouvement, à le solidariser pour une retraite à taux plein à 60 ans. C’est maintenant qu’il faut gagner. Les forces syndicales et progressistes viennent déjà de gagner pour la première fois depuis ce quinquennat la bataille des idées. Passons un cap supplémentaire en montrant qu’une nouvelle cohérence progressiste peut être mise en œuvre à partir de l’enjeu des retraites qui n’est ni comptable, ni démographique.

L’Humanité a publié hier mardi, un tableau montrant comment il était possible de financer une autre réforme juste des retraites. Beaucoup de manifestants les brandissaient d’ailleurs dans les défilés d’hier.

Le droit à la retraite à 60 ans, à taux plein, n’est ni une question démographique, ni une question comptable. Elle concentre tous les enjeux de la vie humaine. Celui de la sécurité de vie, celui de la solidarité entre les générations, celui de l’accès à un travail intéressant et bien rémunéré pour chacune et chacun, celui des conditions de vie au travail, celui de la santé, celui de l’utilité du travail, de sa qualité.

Le pouvoir sarkozyste, ses ministres, qui ne le seront peut-être plus dans quelques semaines, viennent mépriser ce mouvement majoritaire à la télévision et à la radio, doivent maintenant reculer et retirer ce projet « anti-civilisationnel ». A ne pas le faire, le pouvoir et le Président de la République prennent des risques considérables pour le pays lui-même. On ne peut pas éternellement gouverner contre le peuple. Samedi on continue ! On donne encore plus de force, d’ampleur et de détermination à ce mouvement qui porte extrêmement loin.

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