Un locataire handicapé est coincé dans son appartement parisien depuis le 1er janvier. La société gérant l'immeuble de logements sociaux décline toute responsabilité.
Sur son site internet, la Semidep (1) - une société immobilière qui gère 5 800 logements sociaux - affiche les «valeurs qui lui sont chères».«L'humain est au cœur de ses préoccupations, c'est donc naturellement que la Semidep organise son activité autour de ses locataires.» Voilà pour la communication qui ne mange pas de pain. Mais sur le terrain, c'est une autre affaire. Cette société, qui a été très mal gérée à l'époque où Jacques Chirac était maire de Paris (2), pâtit d'une réputation déplorable en ce qui concerne le service rendu aux habitants de ses immeubles. Y compris dans des cas impérieux relevant de l'urgence humanitaire.
Nicolas Amigou, locataire au 163, boulevard Serurier (XIXe arrondissement), est bloqué chez lui du fait d'une panne d'ascenseur depuis le 1er janvier. Ses appels - répétés et pressants - auprès de l'antenne locale puis du siège de la Semidep, pour expliquer sa situation d'homme en fauteuil roulant, prisonnier dans son appartement du deuxième étage, ont longtemps été ignorés par les responsables de la société. Face à tant de négligence et de désinvolture, il vient de déposer une plainte contre X pour «mise en danger de la vie d'autrui».
«Pompiers». Tout commence le 1er janvier au soir. Nicolas Amigou rentre en TGV de Pau où il a passé les fêtes avec ses parents. «Vers minuit, un taxi m'a déposé au bas de mon immeuble. Là je me suis rendu compte que l'ascenseur ne fonctionnait pas.» Il apprendra que l'appareil est en panne depuis le 26 décembre. Pas de panique. Dans le hall, une affichette de la Semidep mentionne un numéro à joindre «en cas d'urgence» : la société Maisoning répond «de 18 heures à 8 heures ainsi que les samedis, dimanches et jours fériés» pour des problèmes de«chauffage collectif», de «dégâts des eaux», de «pannes électriques» ou d'«ascenseurs». Nicolas Amigou appelle. Réponse : «Désolé, on ne peut rien faire.» Le numéro, c'est du bla-bla : quand l'urgence survient, le service annoncé n'est pas rendu. «Bref j'étais dehors», raconte cet homme de 28 ans, attaché d'administration au ministère du Travail. «Du coup, j'ai appelé les pompiers qui sont venus tout de suite. Après quoi, je suis bloqué chez moi.»
«Une situation inadmissible», reconnaît Hélène Bidard, conseillère de Paris (PCF) de Paris et présidente de la Semidep. Mais, pour elle, «la responsabilité de cette affaire incombe à la société d'ascenseur [Otis, ndlr] qui n'a toujours pas réparé alors que c'est en panne depuis un mois !» Pas faux. Les élus parisiens sont d'ailleurs régulièrement interpellés par des habitants d'immeubles excédés par des pannes d'ascenseurs à répétition et de longue durée. Au point que le Conseil de Paris a décidé de créer l'an dernier une mission d'information sur le sujet qui a rendu un rapport accablant pour cette profession (lire ci-contre).
Coccinelle. A l'origine, le cas de Nicolas Amigou relève bien d'un problème d'ascenseur. Mais la Semidep qui est responsable de ses immeubles et de ses locataires a, elle aussi, été totalement défaillante. «Dès le lundi 3 janvier, j'ai appelé Otis pour m'inquiéter de la panne», raconte Nicolas Amigou.«On ne peut pas réparer pour l'instant»,lui dit-on. Il décide alors de prévenir la Semidep. «Chaque fois que j'appelais, le chef d'antenne faisait répondre par sa secrétaire qu'il était déjà en ligne, en réunion, ou en rendez-vous à l'extérieur.» Au bout d'une dizaine de jours, le jeune homme, qui ne souhaitait pas inquiéter sa famille, craque et prévient ses parents. «La colère m'a envahi quand j'ai su que mon fils vivait reclus depuis dix jours, raconte son père. J'ai pris mon téléphone et j'ai fait pression pour joindre le chef d'antenne.» Il finit par y parvenir. «Je suis au courant», lui dit son interlocuteur, dans ses petits souliers. Au siège de la Semidep, aussi, on sait. «Mais aucune solution pour aider Nicolas à entrer et sortir de chez lui n'est en place !» s'indigne son père.
Aujourd'hui encore, le locataire est prisonnier dans son appartement, où il est contraint de faire du télétravail. Depuis le 1er janvier, il n'a pu sortir qu'à deux reprises : le 18 janvier pour des analyses et le lendemain pour un rendez-vous à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil. C'est sa kiné qui lui a donné les coordonnées de la société Coccinelle, qui aide les personnes à mobilité réduite à sortir de chez elles. La Semidep a accepté de prendre en charge la facture pour ce portage justifié par des besoins médicaux. Depuis, il est de nouveau reclus chez lui. «C'est le troisième week-end que je passe là sans pouvoir sortir», nous disait-il, samedi, la gorge serrée.
(1) Société d'économie mixte interdépartementale de la région parisienne.
(2) En janvier 2001, un ancien président de la Semidep a été condamné à un an de prison avec sursis et 30 000 euros d'amende pour abus de biens sociaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire