jeudi 3 novembre 2011

Portrait d’élu CE de Sacamas (groupe Schindler) « Il faut se battre maintenant. Après la fusion ce sera trop tard »


Le programme de fusion du groupe Schindler en France ne se passe pas si bien que prévu. Depuis l’annonce de la fusion de plusieurs de ses filiales, le CE de l’une d’entre elle, Sacamas à Clamart (92) se bat pour ses salariés.


Norbert Ismaël, secrétaire du CHSCT, Didier Guiot, trésorier du CE et délégué du personnel, Franck Mascazzini, secrétaire du CE, délégué syndical et délégué du personnel de Sacamas à Clamart (92).


C’est le 14 janvier 2011 que le fabricant d’ascenseur annonce qu’il compte fusionner quatre filiales, Sacamas, Somatem, Amonter et Technilift, et réorganiser les régions Ile-de-France et de Lyon. En conséquence, il est prévu de supprimer 157,5 postes dont 33 techniciens, sur un effectif total de 3 854 salariés. L’objectif final étant de « rétablir sa compétitivité » et « d’assurer la pérennité de ses activités » selon le communiqué de la direction, de « devenir n°2 mondial » et de « verser plus de dividendes aux actionnaires » complètent les élus syndiqués du CE de Sacamas.

Après une série de réunions avec la direction durant un mois et demi, puis une grève, les syndicats du groupe ont obtenu le reclassement de la plupart des salariés dans le groupe aboutissant à « seulement » dix licenciements, dans les services administratifs. Chaque salarié partirait avec une indemnité de 20 000 euros, avec une majoration pour les plus de 45 ans.


Informer les salariés

Programmée en deux temps, la fusion devait être à moitié achevée pour le 1er juillet 2011, puis terminée le 2 avril 2012. Ce n’était pas vraiment le cas à la mi-octobre.
A Clamart, les élus du CE de la filiale Sacamas (montage et rénovation d’ascenseurs, 235 salariés à Noël 2010) sont sur les dents depuis dix mois. Cette société était jusque-là « considérée comme la plus profitable du groupe Schindler », rappelle Franck Mascazzini, le secrétaire du CE dont le poste même est menacé. « Nous avions déjà connu plusieurs fusions mais pas de PSE. Nous avons été convoqués et ils ont invoqué notre devoir de réserve, alors que cela faisait 15 jours que des rumeurs courraient et que les salariés s’inquiétaient ! En se renseignant, on s’est rendu compte que nous avions surtout le devoir de leur communiquer les informations. »

Contre un projet global, pour un projet Sacamas

Les élus du CE et du CHSCT contactent alors un expert-comptable et un avocat pour se faire aider sur les questions de reclassements, de modifications de contrats et de conditions de travail. Le problème est que chaque filiale a une configuration et une attitude différente. « La direction veut homogénéiser les conditions de travail dans toutes les filiales, en les nivelant par le bas. Nous avons demandé à ce que chaque société soit considérée à part » poursuit Franck Mascazzini. « Par exemple, ceux qui travaillent de nuit chez nous, jusqu’à 23 h., reçoivent une prime de 187 euros par semaine. Si on laissait faire, après la fusion, ils travailleront jusqu’à 22 h mais n’auront plus la prime. » Autre acquis en péril : le 14ème mois versé aux salariés de Sacamas en mai, sorte d’intéressement calculé sur les bons résultats de la société. « Nous ne voulons pas d’un projet commun Schindler, nous voulons un projet Sacamas » répètent les élus.

Le soutien précieux des experts

A la fin du mois d’août, l’expert-comptable et l’avocat, mandatés par le CE, ont rendu en août un rapport qui conclut que la fusion n’est financièrement pas justifiée. Le 30 septembre, le rapport du CHSCT très attendu conforte les élus sur la complexité de fusionner des entités aux fonctionnements et aux conditions de travail différents, et les aide à nourrir leur argumentaire.
Malgré la pression de la direction pour obtenir les avis du CHSCT et du CE, les élus résistent, car ils sont bien renseignés et bien soutenus par les experts et l’Inspection du travail qui les confortent sans cesse dans leurs revendications et les accompagnent.

La pression monte au rythme de réunions

Depuis le rendu du rapport du CHSCT, les réunions se sont enchaînées sans discontinuer, la direction étant empressée d’obtenir les précieux avis. Pourtant, à chaque fois, les élus suspendent la séance car ils souhaitent obtenir des précisions : combien de personnes verront leur contrat de travail changé, sur quelle agence, qui sera muté, etc. La direction distille les réponses et répète à l’envi : « Donnez votre avis, le CCE décidera ensuite ». Pour leur « faire peur », disent les élus, elle les assigne par deux fois au tribunal. Des convocations qui se révèlent ensuite injustifiées. Les élus tiennent bon : ils savent « qu’il faut se battre avant la fusion. Après ce sera trop tard pour tout le monde ».

Au 17 octobre, le CE a obtenu que tous les salariés soient formés avant le 2 avril 2012 au nouvel outil de pointage (Field link de SAP) installé dans toutes les filiales du groupe Schindler. « La direction voulait que le personnel soit formé pendant six semaines à partir du 2 avril. Mais nous craignions que les personnes les plus âgées, reclassées dans de nouveaux postes et qui auraient du mal à s’approprier l’outil, soient licenciées. » Malgré cette petite victoire, les élus du CE pensent lucidement que l’affaire va sans doute « finir au tribunal ».

Les collègues ne nous serrent plus la main

Pour les élus du CE et du CHSCT, leur tâche est d’autant plus ardue qu’elle n’est pas comprise par tous les salariés. Il y a ceux qui ne sont pas directement concernés et qui prennent leur rôle avec dédain, ceux qui ont à y gagner et qui craignent d’y perdre et ceux qui sont plutôt de l’avis de la direction. « C’est dur au quotidien. Il y a une certaine incompréhension. Des collègues ne nous adressent plus la parole ou ne nous serrent plus la main. Mais nous savons ce que nous faisons et pour qui nous le faisons. Les experts nous confortent aussi dans notre action » explique Norbert Ismaël. L’élu lâche aussi quelques commentaires sur l’attitude de la direction qui a tenté de soudoyer les membres du CE et du CHSCT de plusieurs filiales pour qu’ils renoncent à résister à son projet. Mais si certains ont sûrement cédé, suggère-t-il, Norbert tient bon « Je le fait pour mes collègues… et pour ma conscience ».

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