mardi 30 novembre 2010
Pays après pays, d’Athènes à Dublin, « la main invisible des marchés », selon la formule célèbre d’Adam Smith, présente l’addition aux peuples européens. Les salariés, les retraités, des plus pauvres aux couches moyennes, les Irlandais doivent rembourser les dettes contractées par le gouvernement. Comme partout dans l’UE, des sommes pharaoniques ont été mobilisées pour sauver le système financier bousculé par la crise systémique révélée en 2008 avec le scandale des subprimes.
Sauve qui peut, le FMI débarque aux pieds des falaises de Moher ! L’institution que préside depuis 2007 Dominique Strauss-Kahn possède un sérieux savoir-faire, forgé notamment en Afrique, où les plans de redressement furent toujours accompagnés des mêmes recettes : saignée dans les dépenses sociales, c’est-à-dire hypothéquer gravement le développement, et élargissement de l’écart avec les pays développés. Quant à l’Union européenne, elle porte le même masque de l’usurier que les Grecs avaient déjà découvert. De l’argent levé sur les marchés mondiaux à des cours très faibles est prêté aux Irlandais à près de 6 %. Un taux « punitif », dit-on à Dublin. Décidément après la Grèce, l’Irlande le confirme : pour le capital, il y a de l’argent à gagner sur le dos des États en faillite…
Les manifestants de Dublin – dans un pays peuplé de moins de 4 millions d’habitants – projettent l’Irlande sur l’avant-scène de l’actualité. Mais, le grand absent dans la multitude des analyses et des commentaires, c’est le « non » opposé par le peuple irlandais au traité de Lisbonne en juin 2008. Comme l’avaient fait les Français et les Néerlandais en 2005, à propos de la première version du traité – la constitution européenne – et comme l’auraient fait d’autres peuples de l’Union s’ils avaient été consultés, les citoyens de l’Eire s’étaient montrés bien plus clairvoyants que les dirigeants de leur pays. Ces derniers se sont comportés en ultras de l’eurolibéralisme, en instituant une fiscalité extrêmement complaisante avec le capital. Mais les louangeurs du « meilleur élève de la classe européenne », comme on a pu le lire et l’entendre en maintes occasions, se sont également décrédibilisés.
Les chefs d’État et de gouvernement, et singulièrement Nicolas Sarkozy, portent une lourde responsabilité. La montée de l’extrême droite révélée par plusieurs scrutins en Hongrie, en Autriche, aux Pays-Bas, est pour une large part due à l’image que renvoie l’Union européenne : un espace de recul social et de mise en concurrence des salariés, alors que l’Europe pourrait être un outil d’harmonisation des conditions de vie et de coopération… Cette Europe est possible, avec un autre traité qui l’affranchisse de l’influence des marchés financiers. Mais sans attendre, tous les progressistes politiques, syndicalistes, citoyens d’Europe pourraient exiger deux mesures, dont la crise montre combien elles sont urgentes : le pouvoir pour la BCE d’accorder des crédits très favorables aux États en difficulté et l’instauration d’une taxation des mouvements de capitaux. Les fossoyeurs de l’Europe sociale ne doivent pas avoir le dernier mot.
En votant « non » au traité de Lisbonne en juin 2008, les citoyens de l’Eire ont été plus lucides que leurs dirigeants.
Jean-Paul Piérot
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