mercredi 8 décembre 2010


Un gâchis humain

Un ouvrage collectif analyse les dangers de la future réforme de la médecine du travail.


Retoquée dans la réforme des retraites, la réforme de la médecine du travail est de nouveau programmée dans quelques mois, a prévenu le gouvernement. Au lieu de quelques articles glissés en catimini, un projet de loi sera présenté, qui « tourne radicalement le dos à une prévention indépendante » , estime le Collectif des médecins du travail de Bourg-en-Bresse dans un livre très utile pour comprendre la situation de la santé au travail en France La Santé au travail en France : un immense gâchis humain, Collectif des médecins du travail de Bourgen-Bresse, L'Harmattan, 128 p., 13 euros. .

On sait déjà que le projet de loi intégrera un amendement du député UMP Denis Jacquat, lequel propose de mettre la médecine du travail sous la dépendance des employeurs. « Cet amendement donne la présidence des services de santé au travail aux employeurs et retire tout droit à la présidence aux représentants des salariés en stipulant que le président du conseil sera élu dans le collège employeur avec voix prépondérante dans le conseil. Les représentants des salariés devront se contenter de la vice-présidence, sans voix prépondérante » , a relevé récemment la CGT.

Avec d'autres dispositions, le futur projet de réforme du principal système de prévention prépare « sa mort physique à moyen terme » , écrit le Collectif des médecins du travail, qui démasque aussi une « posture de l'État qui va à l'encontre de sa fonction régalienne en se détournant de l'intérêt général, faisant fi de tous les fondamentaux essentiels qu'exige une réelle prévention » . Car le fonctionnement de l'institution ne va pas fort et souffre des graves défaillances du système français de prévention des risques professionnels. Il existe en effet un extraordinaire décalage « entre les réalités très inquiétantes touchant à la santé des salariés et les discours politico-médiatiques » .

Une multitude d'atteintes à la santé des travailleurs coïncide avec la montée de la précarité. Elle est liée à la mise sous tension du monde du travail et à l'absence de mesures sérieuses pour endiguer ces phénomènes : les « ravages physiques n'ont pas disparu » , bien au contraire, ils se sont accentués. Le Collectif rappelle cette estimation de 15 000 à 20 000 nouveaux cas de cancers par an qui seraient d'origine professionnelle, et pointe « l'occultation et la sous-estimation des atteintes à la santé liées au travail » . Vu « la gravité mortifère du projet gouvernemental» , « piétinant au passage le code de déontologie médicale» , le Collectif interpellera le Conseil de l'Ordre des médecins, mis « au pied du mur » , comme le sera le gouvernement lors de la présentation prochaine du projet de loi.

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