L'Humanité analyse dans son édition de ce lundi 30
janvier l'intervention de Nicolas Sarkozy. Découvrez l'édito de JeanPaul
Piérot:
Une impression d’affolement et de désordre se dégage des propos de
Nicolas Sarkozy dès les premières phrases de son entretien télévisé.
Logement, emploi des jeunes apprentissage, création d’une banque de
l’industrie... Par un coup de baguette magique, ou un tour de bonneteau,
tout sera réglé dès le mois de février...
Le chef de l’État en
froid avec l’opinion publique a donné le sentiment d’annoncer qu’il
réglera dans l’urgence des problèmes que sa politique a aggravés depuis
cinq ans. Mais le coeur du propos confirme que l'injustice sociale et
fiscale aura donc bien été le fil conducteur, le marqueur de son
quinquennat.
Nul ne peut reprocher au président candidat non encore déclaré un
manque de suite dans les idées. Ses premières décisions, en 2007, se
chiffraient à 15 milliards d’euros de cadeaux en tous genres au monde de
la finance et à l’oligarchie de la fortune. Droits de succession, ISF,
toutes les modestes contributions au fonctionnement de la société que la
République se doit de réclamer aux plus nantis étaient outrageusement
allégées. La défiscalisation des heures supplémentaires, le bouclier
fiscal, rien n’était assez beau pour le grand patronat, en loyal fondé
de pouvoir duquel l’hôte de l’Élysée s’est constamment comporté.
Généraliser la pratique du chantage patronal
Quand approche l’heure de rendre des comptes aux électeurs, qui
pourraient bien délivrer un jugement très sévère, Nicolas Sarkozy
persiste: il veut alléger les cotisations patronales et faire compenser
le manque à gagner dans les caisses de l’État par une hausse de 1,6
point de la TVA, qui passera ainsi de 19,6 % à 21,2 %. En clair, il
s’agit d’un renchérissement du coût de la vie. Injustice toujours: la
TVA pèse proportionnellement plus lourd sur les petits revenus que sur
les gros. Au nom de l’exigence de « compétitivité », Nicolas Sarkozy
veut généraliser la pratique du chantage patronal, qui vise à faire
renoncer les travailleurs à la durée légale du travail de 35 heures ou à
accepter des baisses de salaires en brandissant la menace de plans de
licenciements ou de délocalisations. Du slogan « travailler plus pour
gagner plus », qui lui valut quelques succès en 2007, on est passé à un
projet « travailler plus et gagner moins ». Les salariés de Continental à
Clairoix (Oise) ont douloureusement appris ce que valaient pareils
marchés de dupes.
La posture d’un chef d’État «protecteur»
Tout semble se passer comme si le chef de l’État, largement
décrédibilisé dans l’opinion, voulait achever d’ici à l’élection
présidentielle l’œuvre de démolition du modèle social, accélérer la
déréglementation du travail. Il cherche à adopter la posture d’un chef
d’État « protecteur », qui n’hésite pas à prendre des mesures
impopulaires mais nécessaires pour limiter les dégâts de la crise. Un
mauvais numéro de prestidigitateur qui ne parvient pas à égarer
l’opinion publique : les difficultés financières sont pour une large
part la conséquence des cadeaux faramineux consentis aux milliardaires,
aux grandes sociétés qui ont manqué aux finances publiques.
Six chaines de télévision pour lui tout seul
Alors, pour marteler son message, il occupe tout l’espace télévisuel,
ou presque. Dans quel autre pays un président peut-il s’exprimer
simultanément sur neuf chaînes de télévision? Au Turkménistan? En Corée
du Nord ? À supposer qu’ils disposent d’autant de canaux... Plus
sérieusement, la seule et aléatoire issue de secours pour éviter d’être
froidement congédié en mai par les Français serait de parvenir à semer
le doute sur la possibilité de s’affranchir de la dictature des marchés
financiers. Et ainsi, de la Grèce à l’Irlande, il n’y aurait d’autre
voie que l’austérité et la renonciation sociale. C’est le sens ô combien
inquiétant de l’engagement annoncé de la droite allemande et de la
chancelière Angela Merkel aux côtés du candidat Sarkozy. La
Sainte-Alliance de la régression a peur. Elle redoute la sanction du
peuple français. «Sarkozy est le président qu’il nous faut», affirme la
CDU, mais les intérêts des conservateurs allemands ne sont pas forcément
ceux du monde du travail en France.
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