Mercredi 22 Février
2012
Économie
Décryptage
Selon un rapport de l'Insee, le passage aux
35 heures a contribué à la baisse des coûts salariaux unitaires.
C'est une
étude sur laquelle le gouvernement devrait rester discret. Publiée hier par
l'Insee, cette comparaison européenne du coût de la main-d'œuvre entre
1996 et 2008 vient mettre à mal nombre d'idées reçues, réhabilitant
au passage les 35 heures, et flinguant au tournant le projet de TVA
sociale.
Des coûts horaires du travail convergents
Première
chose, et ce n'est pas une surprise : la France se situe dans le peloton de
tête des pays européens en terme de coût du travail. Avec 33,16 euros de
l'heure dans l'industrie manufacturière en 2008 (contre 27,82 euros
en moyenne dans la zone euro), elle est le cinquième pays le plus cher de
l'ex-UE à 15. Elle reste néanmoins, à un cheveu près, moins onéreuse que
l'Allemagne (33,37 euros), et l'évolution de son coût horaire (3,4% en
moyenne annuelle entre 1996 et 2008), se situe dans la médiane de
l'ex-UE à 15. Dans le secteur des services, cette progression (3,2%) est
même inférieure à la médiane. Et la réduction du temps de travail, note l'Insee,
n'a contribué qu'à hauteur de 10% à cette hausse globale du coût du travail
entre 1996 et 2008, finalement modérée.
Alors certes,
l'Allemagne, notamment dans le secteur industriel, a vu son coût de la
main-d'œuvre augmenter moins vite (+ 1,9%) que la France, au prix d'une
véritable politique de modération salariale. Mais ce phénomène s'inscrit aussi
dans un mouvement de convergence des coûts du travail en Europe, qui voit les
plus élevés baisser, et les plus faibles fortement augmenter. «C'est dans les
pays où le coût horaire était le plus bas en 1996 [Portugal, Grèce,
Irlande] que le taux de croissance annuel a été le plus fort entre 1996 et
2008», écrivent ainsi les auteurs de l'étude. Pour l'Irlande, il a par
exemple atteint le rythme annuel de 6% par an... Chez les nouveaux
entrants, il s'est envolé entre 2004 et 2008 : de plus de 15% par an en
Lituanie, Estonie et Roumanie, et de 20% en Lettonie.
Si, par
ailleurs, le coût du travail connaît de fortes disparités sectorielles, elles
n'expliquent pas forcément la meilleure compétitivité d'un pays sur tel ou tel
produit. Ainsi, rappelle l'Insee, L'Allemagne détient, dans l'industrie
automobile, le coût horaire du travail le plus élevé d'Europe, supérieur
de 29% à celui de la France, «alors même que le secteur automobile a
contribué, dans une large mesure, à la dégradation du solde
commercial de la France».
Des coûts salariaux unitaires plus homogènes
Plus
intéressant encore : l'Insee ne s'arrête pas au coût horaire du travail, «un
facteur parmi d'autres du niveau de compétitivité d'un pays», mais
s'intéresse également à la productivité. Ce qui, l'un dans l'autre, permet
d'aboutir au coût salarial unitaire (CSU), c'est-à-dire celui par unité
produite, beaucoup plus pertinent pour comparer la compétitivité-coût entre
pays. En effet, un pays avec un coût horaire du travail élevé peut être plus
compétitif si sa productivité est supérieure. Avec cet indicateur, les écarts
entre les pays de l'Ex-UE à 15 sont ainsi trois fois moins importants
qu'avec le coût horaire du travail, les pays où il est élevé compensant avec
une forte productivité. Et sur ce point, les évolutions sont beaucoup moins
défavorables à la France. Ainsi, depuis 1996, l'Hexagone voit son CSU dans
l'industrie baisser de 0,5% par an (- 0,7% en Allemagne), alors qu'il augmente,
par exemple, au Danemark (+ 0,9%), au Royaume-Uni (+ 1,4%) ou en Italie (+
2,3%). Plus piquant encore : en France, l'essentiel de la baisse s'est produite
entre 1996 et 2000, c'est-à-dire au moment de la mise en place des
35 heures pour les entreprises volontaires, période où a eu lieu la
majeure partie de la baisse du temps de travail. Même si, ajoute l'Insee, la
France a aussi connu à cette époque une forte croissance.
Une TVA sociale sans effet ?
L'étude de l'Insee,
enfin, apporte une autre information : «A moyen terme, le taux de
cotisations sociales employeurs n'est pas un déterminant du coût horaire de
travail.» En réalité, «seul le niveau global de taxe compte, pas la
répartition entre cotisations sociales employeurs, salariés et impôt sur le
revenu». Notamment au Danemark, où la protection sociale est largement
financée par l'impôt sur le revenu, l'employeur doit concéder un salaire net
plus élevé qu'ailleurs au salarié... pour payer ses impôts. Un mécanisme qui
pourrait être le même avec une TVA venant financer la protection sociale.
Luc
Peillon, Par
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