Si elle n’est certainement pas sans effet, la formidable offensive déclenchée par le patronat, à la faveur de la crise, pour imposer de nouveaux reculs sociaux, au nom de la compétitivité et du coût du travail, ne doit pas faire illusion. Les résultats de plusieurs enquêtes d’opinion récentes montrent à la fois que la médecine préconisée par Mme Parisot et ses amis du Medef est largement désavouée, et que les propositions de mesures visant à permettre aux salariés et à la puissance publique de peser sur les choix des entreprises sont, elles, massivement soutenues.
Selon un sondage Ifop publié dimanche dans Sud-Ouest, sept Français sur disent ainsi opposés à une baisse du coût du travail, se traduisant par un allègement des cotisations patronales, qui serait compensée par une hausse de la CSG payée par les Français sur leurs salaires et leurs retraites. L’argument massue du patronat et des libéraux, selon lequel le chômage trouverait sa source dans un coût du travail trop élevé –thèse qui omet systématiquement le poids du coût du capital, dont l’augmentation a été quasi-exponentielle ces dernières décennies-, est donc clairement mis en question.
L’autre grand remède préconisé par le Medef, qui en a fait l’un de ses objectifs majeurs dans la négociation sur la "sécurisation de l’emploi" engagée la semaine dernière, n’est pas mieux accueilli. 61% des Français jugent en effet comme "une mauvaise chose" l’idée de "flexibiliser les contrats de travail, en permettant aux employeurs d’embaucher et de licencier plus facilement" (37% y voyant une "bonne chose"), d’après une enquête de Harris Interactive, réalisée pour la CGT. Après trente ans d’expérience de la précarisation de l’emploi, sous diverses formes (du CDD à l’intérim et au temps partiel, en passant par la rupture conventionnelle, qui permet de contourner le licenciement par une rupture de contrat soi-disant amiable), les Français n’en redemandent pas. Mieux : ils adhèrent fortement à une série de propositions défendues par la CGT au titre de la lutte contre le chômage. Il s’agit d’abord, pour 95% des sondés, d’"investir davantage dans la recherche et la formation des salariés". Mais aussi, pour 91%, de "conditionner les aides accordées aux entreprises à la création d’emplois". Rappelons que ce pactole s’élève, de source officielle, à quelques 170 milliards d’euros de fonds publics, distribués chaque année pratiquement sans contrôle et, surtout, sans véritable contrepartie. Lors de la "grande conférence sociale", la centrale de Bernard Thibault a réclamé, et obtenu, qu’une évaluation de l’efficacité de ces aides soit effectuée. Lancée tout récemment, les résultats de cette étude sont très attendus.
Troisième revendication cégétiste – qui fait l‘objet d’une proposition de loi déposée par les députés Front de gauche-, l’interdiction des licenciements dans les entreprises réalisant des bénéfices recueille également un large assentiment (73% de « pour », 25% de « contre »). De Sanofi à Mittal, groupes dont les profits se chiffrent en milliards d’euros, la liste est longue des cas de "plans sociaux" où cette mesure s’appliquerait aujourd’hui. Il est à noter qu’on observe assez peu de différence d’opinion selon la catégorie sociale, la proximité syndicale (CGT,CFDT, CFTC, ou FO) ou même de la proximité politique. Les électeurs de Sarkozy à la présidentielle se distinguant toutefois en approuvant le plus l’idée d’une flexibilité accrue des contrats de travail.
Le deuxième volet de l’enquête de Harris Interactive ne manque pas non plus d’intérêt. Interrogés sur les "moyens d’améliorer la situation des salariés", les Français placent en tête (à 92%) le conditionnement des aides publiques à la création d’emplois et à la dynamique salariale. En second lieu, ils adhèrent (à 81%) à l’idée de "faire évoluer le financement de la protection sociale en mettant à contribution les revenus du capital". De même approuvent-ils (à 64%) une revendication reprise, peu ou prou, par l’ensemble des syndicats dans la négociation sur l’emploi : "augmenter les cotisations sociales patronales pour les emplois précaires (stages, CDD, etc) afin de dissuader les entreprises d’avoir recours à ce type de contrats". Ils appuient enfin la proposition de "moduler les cotisations sociales en fonction de la politique en matière d’emploi et de salaires (comme par exemple les augmenter lorsque les entreprises licencient des salariés ou gèlent leurs salaires)". Un dispositif de bonus-malus, en somme, qui pourrait enclencher un cercle vertueux dans le gestion des entreprises, et, au final, augmenter le financement de la Sécurité sociale, étroitement dépendant de l’évolution de l’emploi et des salaires.
Au total, une photographie de l’opinion qui ne peut qu’encourager à poursuivre la mobilisation, après la journée d’action cégétiste de mardi pour la défense de l’emploi et de l’industrie.
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