le 8 février 1962, le massacre de Charonne
Ils manifestaient pacifiquement pour la paix en Algérie et contre l’extrême droite (l’OAS), à la suite d’attentats meurtriers en France au nom d’une Algérie française soutenue entre autres par Jean Marie Le Pen. L’instigateur du massacre s’appelait : Maurice PAPON. Le Jeudi 8 Février 1962, à Paris boulevard Voltaire, il fait froid, c’est la nuit. Des milliers de manifestants pacifiques dont les cortèges sont réunis après bien des obstacles s’apprêtent à se disperser. La tête du cortège s’arrête un peu plus haut que le croisement de la rue de Charonne.
André TOLLET, pour la CGT, hissé sur les épaules d’un militant, appelle à la dispersion, ainsi que Claude BOURET de la CFTC. Du côté de la place de la Nation, on distingue dans la pénombre le barrage noir et menaçant des rangées de policiers devant leurs cars. Soudain, les manifestants de tête qui faisaient cercle autour des orateurs, alors que d’autres s’apprêtent déjà à quitter les lieux, voient le dispositif policier foncer sur eux.
Léo FIGUERES, grande figure de la Résistance et des luttes anti-coloniales, ceint de son écharpe de conseiller général de la Seine, s’avance vers un commissaire pour l’informer de la dispersion. Il est durement matraqué, comme des centaines de manifestants qui refluent
comme ils peuvent. Partout le sang coule.
Vision terrible : après la charge, les trottoirs et la chaussée sont jonchés de chaussures de femmes et d’objets divers au milieu des traces de sang. On comptera 9 morts, tous adhérents à la CGT, dont 8 communistes, ce qui témoigne avec éloquence de la place des uns et des autres dans le combat antifasciste et pour l’indépendance de l’Algérie. Parmi eux, 3 femmes, ce qui ne s’était pas vu depuis la fusillade de Fourmies, le 1er Mai 1891. Mais aussi des centaines de blessés, dont certains gravement. La volonté de tuer des policiers, et de leur hiérarchie, a été évidente.
Elle est attestée par les souvenirs de syndicalistes de la police, par les travaux des historiens. D’ailleurs, le Lundi 12 Février 1962, Michel DEBRE, premier ministre, « viendra apporter le témoignage de sa confi ance et de son admiration à la police parisienne ». Il félicitera le ministre de l’intérieur, Roger FREY, ainsi que le préfet de police Maurice PAPON, dont le rôle pendant l’occupation dans la déportation des juifs, puis comme préfet de Constantine et enfin dans la conduite du massacre des Algériens le 17 Octobre 1961, ont été mis en lumière. De Gaulle et son gouvernement ont montré par ce crime d’Etat combien ils ne décoléraient pas d’être contraints à l’indépendance de l’Algérie, combien ils combattaient, non les menées factieuses des tueurs de l’OAS, mais la montée du sentiment anticolonial dans le peuple et chez les jeunes du contingent. Épisode de la guerre d’Algérie dont il faut décrypter le passé pour le comprendre.
En 1830, l’armée Française est lancée à la conquête de l’Algérie, alors sous domination et régence ottomane. Les opérations militaires ont été si brutales qu’il a été estimé qu’un tiers de la population avait été exterminée par les massacres, les famines ou les épidémies. Les Algériens sont privés de tout droit humain, humiliés sans cesse, fréquemment provoqués puis tués pour l’exemple par les troupes d’occupation. Les révoltent ne cesseront jamais. Un mouvement national émerge après la guerre de 1914-1918, porteur d’indépendance. Avec la libération de la métropole à laquelle les troupes d’Afrique du Nord avaient contribué de manière décisive, à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’espoir d’une émancipation du peuple algérien avait germée.
En Mai 1945, des manifestations pour l’indépendance sont organisées à Sétif et dans les autres villes du constantinois. La répression est effroyable : face aux 200 morts et blessés européens, on compte entre 10000 et 30000 morts du côté algériens. Le statut octroyé en 1947 ne met fi n ni à la misère, ni à l’oppression, ni aux injustices les plus brutales. Le mouvement d’indépendance s’organise et l’insurrection éclate le 1er novembre 1954 dans les Aurès.
Après la défaite de Diên Biên Phu, les accords de Genève mettant fin à la « sale guerre d’Indochine », la guerre d’Algérie débute, avec son cortège de violences, tortures et d’opérations militaires. Dans le même temps, la Vème République, débordée par les aspirations des peuples opprimés, est contrainte d’accorder l’indépendance au Maroc et à la Tunisie.
Aux élections de Janvier 1956, la gauche triomphe à partir d’une campagne sur la paix et l’ouverture de négociations avec le FLN. Mais cédant aux pressions des ultras, Guy Mollet enfonce le pays dans la guerre.
Mai 1958, De Gaulle revient au pouvoir, promulgue la 5ème République, assoit son pouvoir personnel, mais déçoit ses soutiens les plus réactionnaires en manœuvrant en recul sur l’Algérie pour aller de l’autodétermination à l’acceptation de l’indépendance. Trahis, les ultras se rebellent en Algérie. Hébergés par Franco, ils créent l’OAS (Organisation de l’armée secrète) début 1961.
La France et l’Algérie sont ensanglantés par de nombreux attentats, le 22 Avril 1961 éclate un putsch militaire en Algérie. De Gaulle ne cède pas. Répondant aux attentats du FLN, le gouvernement décrète le couvre-feu pour la population algérienne. Dans Paris c’est la chasse au faciès. On torture, on tue, dans les commissariats.
Le 17 Octobre 1961 le FLN appelle à manifester contre le couvre-feu. La police répondra par la répression faisant un carnage et des dizaines de tués. L’OAS de son côté multiplie ses crimes, tente de saper la République Ses tueurs assassinent, ses militants plastiquent avec trop souvent la complicité et la passivité du pouvoir Gaulliste et de la police. Puis ce sera la manifestation du 8 Février 1962…..
Il a fallu attendre 1982 pour que la commémoration de Charonne de soit plus interdite. Mais le crime d’Etat de la rue de Charonne n’est toujours pas reconnu……
Bernard Lamirand
Membre du Conseil National
AFFICHETTE APPELANT À LA COMMÉMORATION DU CINQUANTIÈME
ANNIVERSAIRE DE CE CRIME D'ETAT EN 2012
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