jeudi 11 septembre 2008

Amiante dans les ascenseurs : plainte massive au pénal


C’est une première : cinq syndicats de la métallurgie ont porté plainte contre X au pénal. En cause, la prévention de l’exposition à l’amiante chez l’ascensoriste Otis, susceptible d’avoir causé la maladie professionnelle de 153 techniciens employés. Les cinq fédérations syndicales de la métallurgie (CFTC, CFDT, FO, CGT, et CFE-CGC) ont décidé, pour une fois, de faire front commun. Le 30 juillet dernier, ils ont déposé une plainte contre X au tribunal de grande Instance de Nanterre.

Otis est accusé de « violation manifestement délibérée des obligations de sécurité et de prudence imposées par la législation relative à la protection des salariés contre les risques liés à l’inhalation de poussières d’amiante. » Car, depuis 1997, les employeurs ne peuvent légalement plus ignorer les risques de l’amiante et ont une obligation de résultat en matière de protection.

Or de l’amiante, il y en a partout dans les vieux ascenseurs. Dans les portes palières (90 % d’amiante), au niveau des garnitures de freins ou encore du côté des bobines de soufflages pour éviter la formation d’arcs électriques.

Expertise contre expertise

Tout est parti, en juin 2006, d’un rapport réalisé par un laboratoire agréé à la demande de la commission prévention et sécurité du comité central d’entreprise. A l’endroit où un technicien démontait une bobine de soufflage, quelque 600 fibres sont trouvés dans chaque litre d’air. La loi fixe la limite à 100.

En octobre 2006, une contre-expertise menée à la demande de la direction trouve un total de 80 fibres d’amiante par litre d’air. Cherchez l’erreur ? Ce jour-là, un seul technicien intervenait, dans les conditions normales de « l’époque », lors d’un démontage de bobines, et non deux, comme au moment de la mesure. Le rapport souligne néanmoins que :

« Le matériau se révèle être un matériau friable et non de l’amiante ciment. Le moindre contact direct est susceptible de libérer des fibres, surtout pour des bobines partiellement dégradées. »

Ce que la direction a admis.

La prévention plus ou moins respectée

Des mesures de sécurité ont été prises depuis pour protéger les salariés lors du changement de ces bobines. Mais il reste « encore 5 500 bobines à remplacer », selon Gérard Aymes, consultant à la commission prévention et sécurité du comité central d’entreprise, et représentant CFTC. La directrice d’Otis sécurité pour la France, l’Europe du Nord et de l’Est, Carine Le Callonnec, explique pour sa part :

« Peu de fiches étaient remontées car la prise de conscience du risque amiante était faible par rapport à nos risques métier. Nous avons donc renforcé le suivi des formations et actions de prévention en 2003. »

Selon les syndicats, les consignes ont été plus ou moins respectées, sur le terrain, par les responsables. « Il y a une crainte des salariés à remplir les fiches d’exposition », affirme Eric Basquez.

Campagne de dépistage

L’amiante avait commencé à devenir une source de contentieux chez Otis en 2005 (huit procédures ont été engagées auprès des tribunaux civils depuis lors). A ce moment, la direction a décidé de prendre en charge un dépistage pour l’ensemble de ses 3000 techniciens en allant au-delà de l’obligation légale.

La moitié des techniciens ont passé les examens requis (une radio si l’on a vingt ans de carrière, un scanner pour plus de trente ans). Parmi eux, la Sécurité sociale a pour le moment reconnu 153 cas de maladies professionnelles liées à l’amiante. Mais Gérard Aymes fait remarquer :

« Ces chiffres ne reflètent qu’une partie de la réalité puisque de nombreux salariés touchés étaient déjà à la retraite au moment de ce dépistage. Sans parler des dizaines de décès liés à des cancers de l’amiante qui sont déjà survenus. »

Faute inexcusable reconnue

Jamais la direction n’a reconnu sa responsabilité. Mais Otis a été condamné à plusieurs reprises pour « faute inexcusable ».

La Sécurité Sociale a estimé de son coté que 35 cas de maladies liées à l’amiante résultaient de l’activité professionnelle exercée chez Otis. La direction argue, elle, que des salariés ayant effectué toute leur carrière chez l’ascensoriste ont pu être exposés dans un cadre extraprofessionnel ou avant même de commencer à travailler. Pour maître Teissonnière, l’un des avocats qui avait fait condamner Alstom en 2006 dans une affaire d’amiante :

« La grande nouveauté de ce procès au pénal est qu’il engage immédiatement la responsabilité de l’entreprise. Cela vaut mieux que d’attendre que la maladie apparaisse parfois vingt ans après. »

Par Rodolphe Helderlé

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