mercredi 24 septembre 2008

" Il y a une boulimie de réformes très critiquable "


À la veille du discours de Nicolas Sarkozy à Toulon sur la politique économique, le leader de la CGT dénonce la mise à mal des services publics en France et les réformes engagées et à venir.

Les postiers ont fait grève hier contre l'ouverture du capital de La Poste. Est-ce un exemple de dérégulation des services publics en France ?

Bernard Thibault. Selon un sondage publié hier, 61 % des Français se prononcent contre la privatisation de La Poste. Cela illustre un des motifs pour lesquels l'Europe apparaît aussi peu séduisante à nos concitoyens. Ils considèrent qu'il n'est pas judicieux de mettre en concurrence des entreprises publiques de réseau qui ont une mission de service public. Pour une majorité de nos concitoyens, il y a autre chose à faire que du dogmatisme économique. Les Français semblent très attachés à leurs services publics... Dès que l'on parle des hôpitaux, de l'école, de La Poste ou de tout autre service public, on voit que les Français y sont fortement attachés. On ne peut pas prendre des décisions sur le service public en catimini. Le président de la République vient de le comprendre en créant une commission chargée de réfléchir à l'avenir de La Poste. C'est la même chose avec le système de santé. On prend des décisions structurelles qui se traduisent par un transfert de missions et de moyens sur le secteur privé, qui est, par principe, à but lucratif. Or il est important de rester sur nos fondamentaux : chacun contribue au service public selon ses moyens et y recourt selon ses besoins.


Plus largement, après EDF, France Télécom... N'avez-vous pas l'impression de mener un combat perdu d'avance contre la privatisation des services publics ?

Aucun combat n'est perdu d'avance. C'est la raison pour laquelle nous avons appelé les Français à se mobiliser. On ne peut pas attendre des seuls professionnels d'un secteur, comme c'est le cas par exemple à La Poste, de défendre le service public. Nous militons donc pour un débat national.


Le sondage CSA montre que les Français plébiscitent l'idée de réforme du modèle social français, cela vous inspire quoi ?

De fait, 93 % des sondés estiment qu'il faut réformer le modèle social français. Plus intéressant, ils sont 73 % à vouloir le réformer seulement sur certains points. Cecicontrarie le message dominant, et notamment celui du président Sarkozy, qui systématise la réforme. Il y a une boulimie de réformes très critiquable. Or seuls quelques points devraient être à l'ordre du jour. Sur le pouvoir d'achat, par exemple, on est à côté du sujet, on le voit avec le projet de loi sur les revenus du travail. Le gouvernement préfère substituer aux hausses des salaires les éléments aléatoires que sont l'intéressement et la participation. Au lieu de cela, on aurait pu organiser une grande conférence salariale. Idem sur l'avenir de l'industrie. La France est, après la Grande-Bretagne, le pays qui a le plus perdu d'emplois. Il faut une vraie politique industrielle et un grand débat sur ce sujet.


Le sondage indique aussi que les Français souhaitent que les réformes soient négociées avecles syndicats...

C'est un message à l'intention du gouvernement. Les syndicats, malgré leurs insuffisances, sont jugés incontournables par 82 % des Français. Et ce, même dans un pays faiblement syndiqué. Ceci contrarie ce que Nicolas Sarkozy n'arrête pas de répéter, à savoir que l'élection présidentielle se suffit à elle-même et que seul le président est légitime à réformer. Même les sondés proches de l'UMP ne sont pas d'accord avec cela. Alors, certes, il y a eu des entretiens avec les syndicats, mais cela n'a pas servi à modifier ce qui était mis à l'ordre du jour des réformes souhaitées par le gouvernement.


Journée de mobilisation le 7 octobre

Vous profitez de la journée internationale du 7 octobre en faveur du travail décent pour appeler à une grande mobilisation. N'y a-t-il pas un mélange des genres ?

" Certains syndicats, comme FO, nous reprochent de faire de cette journée un prétexte pour des revendications nationales. Je le conteste. Six syndicats français sur huit ont décidé de saisir l'opportunité du 7 octobre, car il revient au mouvement syndical dans chacun des pays de traduire les préoccupations communes en actions. Et, au vu de la situation, le travail décent est bien une revendication, en France comme dans le monde. Nous sommes dans la grille de mobilisation internationale en proposant de porter les revendications face aux menaces sur les salaires, les conditions d'emploi, les retraites et la santé."

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-CHRISTOPHE CHANUT ET ISABELLE MOREAU

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