samedi 17 mars 2012

Les faces cachées de la fraude patronale à la Sécu


Michelin n'est pas seul. Pratique massive, la sous-déclaration des maladies et accidents du travail coûte près de 1 milliard d'euros.



Soudain pris de l'envie de sanctionner les évadés fiscaux, Nicolas Sarkozy affichera-t-il la même détermination à sévir contre les principaux coupables de fraudes à la Sécurité sociale ? A l'en croire, le sujet l'intéresse. 
Le président candidat a multiplié les discours violents contre la fraude, « la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de l'esprit de 1945 ». « Voler la Sécurité sociale, c'est trahir la confiance de tous les Français et c'est porter un coup terrible à la belle idée nécessaire de solidarité nationale », lançait-il le 15 novembre dernier à Bordeaux. 

Mais le chef de l'état choisissait ses cibles. La preuve : dans la foulée de cette envolée, le gouvernement relançait une croisade contre les « arrêts maladie injustifiés » et décrétait l'instauration d'un jour de carence pour les fonctionnaires, avant de percevoir l'indemnité journalière. 

Dans le collimateur également, comme supposés profiteurs indus de la solidarité, les bénéficiaires du RSA, enjoints désormais d'accepter de travailler 7 heures par semaine en contrepartie de l'aide. Mais pas un mot, ou presque, et surtout pas l'ombre d'une menace contre les auteurs de la majeure partie de la fraude : d'après un rapport parlementaire de juin 2011, celle-ci, estimée à près de 20 milliards d'euros par an, est imputable à plus de 80 % aux employeurs (sous forme, pour l'essentiel, de travail non déclaré). 

De 10 à 12 % des entreprises sont en infraction, indiquaient les députés, contre moins de 1 % des allocataires sociaux. 

Avec les révélations de l'Humanité sur Michelin, c'est une autre face de la fraude patronale à la Sécu qui se trouve sous les projecteurs : la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Une pratique notoire, et d'ailleurs à peu près reconnue, à défaut d'être véritablement combattue. 

Son coût est évalué régulièrement par une commission officielle, présidée par un conseiller de la Cour des comptes, Noël Diricq : selon son dernier rapport, la sous-déclaration des risques professionnels représente entre 587 millions et 1,1 milliard d'euros de manque à gagner pour la Sécu. 

Signe de l'ampleur croissante du phénomène : le coût n'était que 135 millions en 1997. Non déclarés, ces risques sont pris en charge par l'assurance maladie (financée par les ménages), en lieu et place de la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la Sécu (AT-MP), dont la particularité est d'être financée par les seuls employeurs dans le but de les responsabiliser, les inciter à la prévention. 

Avant Michelin, Renault, dans son usine de Cléon, et Bouygues, sur le chantier de l'EPR à Flamanville, ont été épinglés, respectivement par l'inspection du travail et par l'Autorité de sûreté nucléaire, pour avoir mis en place un système organisé de pressions sur les salariés. 

On attend encore que Sarkozy-le-moralisateur pointe du doigt ces fraudeurs tout puissants et leur réclame de payer leur dû à la Sécu.

Yves Housson

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