dimanche 14 avril 2013

24 HEURES AVEC ADRIEN PETTRÉ

Article paru dans ENSEMBLE du mois d'avril 2013 Magazine des syndiqués de la CGT

Ascensoriste. L’ancien libraire spécialisé en littérature étrangère, reconverti dans la maintenance des ascenseurs après avoir passé un bac pro, parle du développement du métier, indissociable de la question de sécurité.

Une pluie glacée tombe ce matin-là sur Paris. La tête rentrée dans les épaules, Adrien traverse à la hâte la rue de Passy, dans le 16e arrondissement, puis gagne la rue Vital. Arrivé devant un immeuble de style Art nouveau, il sort un PDA téléphone (1) de sa poche, rentre les chiffres du digicode et s’engouffre dans le hall. À peine a-t-il le temps de prendre connaissance des pannes transmises au cours de la nuit, qu’il est interpellé par un homme. «Vous êtes le technicien? lui demande ce dernier. Ça bloque souvent là-haut. Et il y a des bruits.» «Le bruit suscite toujours de l’inquiétude chez les usagers. Encore plus chez ceux qui ont vu Piège de cristal ou un film catastrophe du même genre», sourit le jeune technicien de 33 ans, en photographiant un gond défectueux sur la vieille porte en fer forgé. «La sécurité est plus qu’un enjeu, c’est une bataille. Elle reste une bataille parce que le métier reste dangereux et que les directions en ont une vision très répressive: quoi qu’il arrive, c’est de ta faute. Or, il suffit de pas grand-chose pour se retrouver coupé en deux ou coincé par le linteau d’une porte palière».


 Avec le développement de l’électronique, la pression s’est accrue sur les salaires et les cadences. «Pour autant, la résolution d’un problème exige une réelle expertise, parfois de l’astuce. On ne s’en sort pas en changeant simplement une carte de commande par une autre.» Un technicien de maintenance suit en moyenne 150 à 200 appareils contre moins d’une centaine il y a vingt ans. Le diagnostic et les interventions sont d’autant moins évidents qu’au gré des fusions-acquisitions et des changements de titulaires des contrats, «on va trouver sur une même tournée du Koné, du Thyssen Krupp, du Roux Combaluzier…». Sauf que, d’un appareil à l’autre, les câblages ne sont pas les mêmes, les contacts de commande ou de sécurité ne sont pas appelés de la même façon, etc. De fait, «le temps de prise en main varie. Et compte tenu des critères de productivité et de rentabilité, la qualité de maintenance peut s’en ressentir et conduire à faire des erreurs».


Quatorze heures, rue Raynouard. Adrien et le réparateur de l’équipe travaillent sur une came (2) à l’origine d’un dysfonctionnement du garde-pieds. «Tu vas au-dessus regarder? Tu fais gaffe…», pour Adrien Pettré Ascensoriste. L’ancien libraire spécialisé en littérature étrangère, reconverti dans la maintenance des ascenseurs après avoir passé un bac pro, parle du développement du métier, indissociable de la question de sécurité. demande Adrien, avant de couper le courant, de déverrouiller la porte palière, d’ajuster sa lampe frontale et de se glisser sous la cabine. «Ça fait trois ans que je fais ce boulot, dit le jeune élu au CHSCT, et j’observe que les revendications évoluent. Avant, elles tournaient autour des salaires. Aujourd’hui, elles se recentrent sur le métier, les conditions de travail. À quoi ça sert en effet d’avoir 100 euros en plus sur sa feuille de paye si c’est pour se voir ajouter 50 ascenseurs à sa tournée, devoir renoncer à faire son travail correctement et jouer avec sa sécurité des personnes?» 





Jean-Philippe Joseph Photos: Daniel Maunoury

(1) Organiseur électronique.
(2) Système d’ouverture et de fermeture de la serrure de la porte palière.


Repères : Quatre groupes se partagent 85% du marché:Otis, Schindler, Thyssen et Koné. Avec la loi SAE (sécurité des ascenseurs existants), près de cinq milliards d’euros ont été investis depuis 2003 par les propriétaires immobiliers pour se mettre en conformité avec les nouvelles normes. Ce qui n’a pas empêché les grands du secteur de supprimer des emplois en masse dans la maintenance par le non-remplacement de départs en retraite, dénoncent les syndicats.



‘‘J’ai eu la chance de commencer dans le métier avec un ancien. Pendant quatre mois, j’ai fait les visites d’ascenseurs avec lui avant de faire la tournée tout seul. À la CGT, on se bat pour que ce mode de tutorat perdure.
Adrien Pettré, technicien de maintenance

1 commentaire:

Unknown a dit…

salut Adrien ton explication d'une journée est tip top la meme que chez nous en belgique
joel representent FGTB