samedi 31 mars 2012

L'esprit Bolkestein toujours là

La Commission européenne a présenté mercredi deux textes qui soumettent le droit du travail et de grève au respect des « libertés économiques » inscrites dans les traités.


La Cour de justice européenne (CJE) soumet le droit de grève au droit de la concurrence ? Circulez, il n'y a rien à voir, répond la Commission européenne, qui a présenté mercredi deux projets de législation qui ne remettent pas en cause la jurisprudence antisociale de la Cour. 

De quoi s'agit-il ? En 2007, une entreprise lettone, Laval, remporte le marché de la construction d'une école à Vaxholm, en Suède. Les syndicats qui ont organisé un blocus pour obliger Laval à respecter la convention collective du bâtiment suédois ont été condamnés par la Cour de justice européenne (CJE). Dans le jugement « Viking Line », cette même cour a interdit aux syndicats finlandais de faire grève pour faire appliquer le droit finlandais au lieu du droit estonien sur les bateaux qui font la navette entre les deux pays. 

Pour la Confédération européenne des syndicats (CES), qui se bat contre les conséquences des jugements de la CJE, le règlement proposé mercredi par la Commission ne change rien à la situation présente. 

Au contraire ! Le droit de grève est placé au même niveau que les libertés économiques de l'Union européenne : liberté de prestation de services et d'établissement des entreprises. Et le règlement prévoit un « principe de proportionnalité », s'inquiète Veronica Nilsson, secrétaire confédérale de la CES. Les tribunaux nationaux pourraient limiter le droit de grève pour qu'il respecte les « libertés économiques ». 

L'article 2 du texte indique que l'exercice du droit de grève « doit respecter ces libertés économiques ». La CES critique une réglementation qui « affaiblit le droit de grève », tout comme les groupes socialiste, Verts et de la Gauche unitaire européenne (GUE) au Parlement européen. 

Le deuxième texte présenté par la Commission est censé pallier les manques de la directive sur le détachement des travailleurs. Selon cette dernière, l'entreprise d'un pays A qui détache des salariés dans un pays B doit respecter le droit du travail du pays B, mais partiellement seulement. 

La CJE a condamné un Land allemand qui imposait à une entreprise polonaise de respecter la convention collective locale. Ce qui n'est pas prévu par la directive. Rien dans la proposition de la Commission ne vient assurer une égalité de traitement entre travailleurs du pays d'accueil et du pays d'origine. En conséquence, Thomas Händel, député allemand de la GUE, demande le rejet de ces textes et l'inscription d'une clause de progrès social dans les traités. C'est là une revendication de la CES, qui souhaite voir écrit clairement dans le droit européen qu'en cas de conflit entre libertés économiques et droits sociaux, c'est à ces derniers d'avoir le dessus.

Gaël De Santis

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