La Cour de
cassation dira le 3 mai si un juge peut annuler un plan pour absence de
motifs économiques. Le Medef s'oppose à toute « autorisation
judiciaire » des licenciements.
La Cour de
cassation a tenu hier une ultime audience dans l'affaire Viveo, du nom de cet
éditeur de logiciels dont le plan social a été annulé par la cour d'appel de
Paris au titre de motifs économiques insuffisants (lire ci-contre). Sa décision
sera rendue le 3 mai. Elle est très attendue des syndicats et du patronat,
qui se livrent une intense bataille en coulisses pour tenter de peser sur un
verdict à même de bouleverser les marges de manœuvre des entreprises en
restructuration.
Aujourd'hui,
le Code du travail n'évoque l'annulation d'un plan de sauvegarde de l'emploi
(PSE) qu'en cas de non-respect de la procédure (information-consultation du CE,
etc.). Les contestations sur le fond - les motifs
économiques -n'interviennent qu'a posteriori, aux prud'hommes. L'employeur
peut y être condamné à des dommages et intérêts, mais pas à réintégrer les
salariés : le risque en cas de PSE abusif n'est que pécuniaire.
Dans un
courrier adressé à la cour le 30 mars, Dominique Tellier, directeur
général adjoint du Medef, s'alarme qu'une confirmation de l'arrêt Viveo
reviendrait à établir « une autorisation judiciaire des
licenciements », trente ans après la fin des autorisations
administratives. Cela ouvrirait la voie à « une saisine systématique du
juge » qui pousserait les entreprises « à attendre d'être au bord du
dépôt de bilan plutôt qu'anticiper des mesures de redressement de crainte de
s'exposer au risque d'une annulation » de leur plan, avec au final plus
d'emplois détruits, avance-t-il. Mi-février, Avosial, le syndicat des avocats
d'entreprise, avait écrit aux candidats à la présidentielle pour s'alarmer de
cette « révolution aux conséquences économiques catastrophiques ».
Leur crainte d'une « dérive jurisprudentielle » a été alimentée par
l'annulation récente par la justice, pour les mêmes raisons, des PSE de
Sodimédical et Ethicon.
A l'opposé,
les syndicats soulignent que c'est un pas indispensable pour lutter contre les
licenciements boursiers. Dans une adresse à l'avocat général de la cour,
Bernard Thibault (CGT) avance que « anéantir le pouvoir du juge de
vérifier en amont le fondement économique [...] ouvrirait la porte au détournement
de la loi de prévention des licenciements, déjà fragilisée par les plans de
départs volontaires ou les ruptures conventionnelles ». Selon lui,
l'absence de motif économique restant « rare », « la sanction de
nullité ne frappera qu'une délinquance sociale manifeste ». François
Chérèque (CFDT) développe la même ligne. « La possibilité de licencier
pour sauvegarder la compétitivité demeurera ainsi que celle de justifier de ce
besoin par la perspective de difficultés. [...] Ne devine-t-on pas dans ces
affaires que les entreprises se moquent d'être condamnées aux prud'hommes, tant
que la procédure n'est pas annulée ? » écrit-il. Hier, des salariés
de Viveo, Sodimédical et Ethicon ont manifesté devant la Cour de cassation.
Courant mars,
l'avocat général a sollicité l'avis de la Direction générale du travail, qui a
préconisé de casser l'arrêt Viveo (et donc d'autoriser le PSE). La plupart des
avocats parient sur une telle cassation. De fait, le Code du travail ne
contient pas de disposition permettant à un juge de conclure à la nullité d'un
licenciement en l'absence de difficultés économiques. Or, un principe du droit
veut qu'il n'y ait « pas de nullité sans texte. »
DEREK
PERROTT
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