mercredi 30 mai 2012

Du bon usage de l’humiliation

Alors que l’ancien locataire de l’Elysée en termine avec ses vacances au soleil, on pourrait se demander ce qu’il reste du sarkozysme. Bien sûr, il subsiste son bilan, mais au-delà, perdure un style, une éthique politique, une manière de penser le monde.

En installant Christine Lagarde en patronne du FMI pour remplacer un DSK quelque peu « démonétisé », l’ancien président de la République a donné au monde un phare de la pensée. Ainsi dans un entretien au quotidien britannique The Guardian, elle a estimé que les Grecs devraient «commencer par s'entraider collectivement» en payant leurs impôts, se disant moins préoccupée par leur sort que par celui des enfants d'Afrique.

On remarquera ce style inimitable consistant à opposer des intérêts ou des populations présumés divergents, les uns parés de vertus, les autres avilis de leurs turpitudes. Que cette rhétorique politique est pratique quand il s’agit d’administrer des purges.

C’est tellement indigne que même la patronne du Medef a pris ses distances avec la patronne du FMI, estimant sur RTL que de tels propos pouvaient être «dangereux». On attendrait de ce niveau de responsabilités un peu plus de hauteur de vue.

En stigmatisant ainsi les Grecs, la patronne du FMI en rajoute une brouette sur les tombereaux de préjugés déversés depuis plus de trois ans, à mesure que les différents sommets européens cherchent à imposer une austérité insupportable. Qu’il faille une réforme fiscale à ce pays où les plus riches et notamment les armateurs -mais pas que- échappent à l’impôt semble évident.

Mais qu’on nous bassine à coups de reportages sur les petits commerçants qui vous encaissent sans vous délivrer un ticket de caisse, ça frise l’indécence. Car la face cachée de ce pays, ce sont aussi des cités populaires sinistrées, où les gens vivaient bon an mal an de leur travail salarié et qui se retrouvent au chômage. Des villes où la solidarité internationale du Secours Populaire Français et de Médecins du Monde permet de distribuer de l’alimentation et des soins, alors que par exemple, la couverture vaccinale des enfants recule.

C’est une jeunesse qui bien avant que l’on découvre la dette de ce pays était déjà surnommée « génération 700 euros » tant il y est impossible de vivre de son travail et de ses diplômes. La manipulation des clichés permet surtout de faire oublier que la dette de ce pays, ce sont d’abord les intérêts usuriers que des banques privées prélèvent sur de l’argent qu’elles ont-elles mêmes emprunté à 1% à la Banque centrale européenne.

Humilier le peuple grec ne risque pas, c’est sûr, de provoquer leur débarquement à Marseille pour la rebaptiser Phocée, mais en revanche, cela risque de provoquer, à Athènes comme ailleurs, une montée des nationalismes, des petits fascistes locaux.

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