Depuis le 6
mai, l'Humanité passe en revue les attentes du peuple de gauche. Aujourd'hui,
la question des salaires, avec Pascal Debay, membre de la commission exécutive
de la CGT.
François
Hollande a envisagé un coup de pouce pour le Smic. Quelles sont vos attentes en
la matière ?
Pascal Debay.
Nous avons engagé une campagne pour l'augmentation des salaires depuis plus
d'un an. Changement de président ou pas, la problématique de bas salaires
continue de se poser, de façon dramatique, en particulier pour de nombreux
salariés précaires. La moitié des salariés à temps complet gagnent moins de 1
500 euros. Notre revendication est de porter le Smic à 1 700 euros brut. Ce
qu'on attend comme geste fort de M. Hollande, c'est une revalorisation
dans les semaines, les mois qui viennent, qui permette d'atteindre ce seuil.
D'un seul
coup ?
Pascal Debay.
On sort d'un quinquennat où l'on n'a pas été entendus, où il n'y a eu aucun
coup de pouce sur le Smic. On sait qu'on est dans une situation économique
complexe. On est prêts à avoir des discussions avec le futur gouvernement sur
les modalités d'augmentation. Mais j'insiste, nous voulons un Smic à 1
700 euros très vite. Ça correspond aux besoins des salariés, et c'est
aussi une partie de la réponse à la crise..
Dans quelle
mesure ?
Pascal Debay.
Une hausse importante des bas salaires permettrait, avec d'autres choix,
notamment sur la réindustrialisation, de relancer la croissance. Cela créerait
une dynamique positive. Il y a actuellement beaucoup de conflits en
entreprises, dans divers secteurs d'activité, notamment dans des PME, pour des
augmentations claires et nettes de salaires. Ils se soldent par des hausses de
3, 4 ou 5 % de salaires, parfois par des primes.
Le Smic ne
résume pas la question salariale
Pascal Debay.
On n'oublie pas les fonctions publiques, qui n'ont pas connu de revalorisation
des traitements depuis des années. Là, le gouvernement va devoir affronter la
question de sortir de la RGPP, de l'idéologie du blocage des dépenses
publiques. Dans le public comme dans le privé, on posera, de façon très
exigeante, le problème des départs de grilles salariales, qui, dans de
nombreuses professions, se situent au-dessous du Smic. A partir du moment où le
Smic sera augmenté, le gouvernement devra créer les conditions pour que
s'ouvrent des négociations dans toutes les branches professionnelles, toutes
les conventions collectives, parce qu'il y a un écrasement des grilles depuis
longtemps. Un nouveau gouvernement se met en place, il va devoir prendre les
affaires en main. Mais il ne faudra pas qu'il reporte le sujet aux calendes
grecques : pour nous, la question des salaires, de la justice sociale, est un
élément central.
La hausse des
salaires est l'ennemie de l'emploi, vous opposent déjà les libéraux
Pascal Debay.
On est au cœur du problème qui traverse l'Europe. Est-ce qu'on continue à
croire aveuglément cette orthodoxie libérale qui nous dit qu'il faut toujours
serrer les boulons de tous les côtés ? Ou est-ce qu'on prend acte qu'on atteint
une limite totale de ce côté-là ?
Que
pensez-vous de la proposition de François Hollande de plafonner les salaires
dans le secteur public, en sorte que l'écart entre bas et haut de l'échelle
soit de 1 à 20 ?
Pascal Debay.
Il n'y aurait vraiment rien de choquant à ce qu'on limite les très hauts
revenus. Et ce n'est pas populiste. Avec un écart de 1 à 20, on reconnaît les
études, les qualifications, les compétences des gens qui prennent des
responsabilités. En tout cas, les salaires, y compris ceux des premiers
dirigeants de l'entreprise, ne doivent pas être un tabou, ils doivent être
débattus, y compris dans le privé.
Entretien
réalisé par Yves Housson
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