vendredi 14 décembre 2012

L'OIT : les risques de la baisse du coût du travail




La crise pèse lourd sur les salaires, surtout dans les pays développés, relève l'Organisation internationale du travail. Elle critique la recherche de compétitivité au détriment des rémunérations.

 


Les salaires paient, dans le monde entier, un lourd tribut à la crise. La répartition de la valeur ajoutée continue de se déformer au bénéfice du capital. Et les politiques de baisses du coût du travail font courir de grands risques économiques. Tels sont en substance les constats majeurs que l'on peut tirer du dernier « Rapport mondial sur les salaires », de ­l'Organisation internationale du travail (OIT). En 2011, à l'échelle mondiale, la croissance des salaires moyens réels a suivi « un rythme beaucoup plus faible qu'avant la crise » (1,2 %, contre une hausse de 2,1 % en 2010 et 3 % en 2007), observe l'OIT. Tout en pointant les disparités régionales : les salaires ont « viré au rouge » dans les pays développés, tandis qu'ils gardaient une croissance positive en Amérique latine et encore plus en Asie, singulièrement en Chine. Sur la période 2000-2011, les écarts sont encore plus criants : si, au niveau mondial, les rémunérations ont crû d'un peu moins d'un quart, en Asie elles ont presque doublé, tandis que dans les économies développées, la hausse a plafonné à 5 %. 

Cette « modération salariale » est à mettre en rapport avec l'évolution de la productivité moyenne du travail, qui a été deux fois supérieure à celle des salaires moyens dans les douze ans écoulés, indique l'OIT. Avant de mettre en évidence une baisse de la part du gâteau pour les travailleurs dans le monde entier, « tandis que les parts du capital dans le revenu augmentent dans une majorité de pays ». « Il y a une tendance sur le long terme à la baisse de la part des salaires et à la hausse de la part des profits dans beaucoup de pays », pointe l'OIT, qui relève un creusement du fossé entre les 10 % de salariés en haut de l'échelle et les 10 % en bas. Or, outre l'injustice créée, cette réduction de la part du travail dans la répartition de la valeur ajoutée « touche aussi la consommation des ménages et peut donc créer des déficits de la demande globale ». Sachant que tous les pays en même temps ne peuvent compenser ces déficits par un surcroît d'exportations, l'OIT met en garde : « Partant, une stratégie fondée sur la réduction des coûts unitaires de main-d'œuvre peut comporter le risque de déprimer la consommation intérieure (...) » Elle appelle les politiques à conjuguer croissance de la productivité et croissance des salaires. Et leur demande de « prendre garde à ne pas encourager une course vers le bas dans les pays où les parts du travail sont déficitaires ou encore dans ­l'ensemble de la zone euro ». A noter au chapitre des recommandations, pour « rééquilibrer » les choses : le rôle des salaires minimaux, « instrument de ­politique efficace » pour « fournir un socle salarial décent », et une ­réforme des marchés financiers « pour rétablir leur rôle dans l'orientation des ­ressources vers les investissements productifs et durables ».

Yves Housson

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