mardi 15 avril 2008

« Taxer les stock-options ou les malades, Sarkozy a choisi »





Santé . Le mouvement de contestation des franchises sur les soins médicaux a franchi un nouveau cap. Plusieurs villes organisaient des rassemblements.

La pilule ne passe toujours pas. Partout en France, samedi, plusieurs milliers de personnes ont déversé des boîtes de médicaments vides devant les préfectures et sous-préfectures, pour protester contre l'instauration de nouvelles franchises médicales, depuis le 1er janvier. En province, des rassemblements marquants ont eu lieu à Nantes (Loire-Atlantique) et Lorient (Morbihan). À Paris, c'est devant le ministère de la Santé que le rassemblement a eu lieu, en présence de son organisateur, Bruno-Pascal Chevalier, malade du sida en grève des soins depuis sept mois (lire page 23, l'invité de la semaine). Plusieurs associations (Act Up Paris, AIDES, Association française des diabétiques...), syndicats (CGT), partis politiques (PS, PCF) et différents collectifs (services publics, hôpitaux de proximité) ont répondu à l'appel parisien.

Le mouvement s'élargit

« C'est intéressant de voir des organisations politiques, syndicales et diverses associations ensemble. Ce mouvement a pris et continue de s'élargir par la base », constate Isabelle Lorand, responsable communiste sur les questions de l'hôpital. Pour Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste, ces manifestations sont utiles pour « dire à ceux qui pensent que les franchises sont une fatalité qu'il y a d'autres solutions. Que, si on veut, on peut faire autrement pour maintenir un haut niveau de protection sociale mais qu'il s'agit de choix politiques ». « Entre taxer les stock-options ou les malades, Sarkozy a choisi. Il est très fort pour recevoir les victimes sauf quand elles ont un discours politique », fait remarquer, de son côté, le docteur Christian Lehmann, l'un des initiateurs de la pétition nationale contre les franchises, qui dépasse les 500 000 signatures. Selon Bruno Leroux, député socialiste, la gauche doit être ferme : « La question ne peut pas être seulement de vouloir limiter le montant des franchises mais de lutter contre cette notion même et de revenir dessus dès que cela sera possible. »

Car, telle que la loi existe, elle laisse la porte grande ouverte à toutes les dérives. « Les parlementaires ont voté le principe des franchises. Le plafond de 50 euros peut être multiplié par deux, trois ou dix par simple décret », rappelle Guy Fischer, sénateur communiste du Rhône, accompagné de la présidente du groupe, Nicole Borvo. Récentes déclarations ou bruits de couloir, tout laisse à penser que le gouvernement, président de la République en tête, veuille « faire des assurances privées les acteurs principaux de la couverture sociale », craint Guy Fischer. L'élu communiste a également souhaité attirer l'attention sur l'ensemble des projets rétrogrades « qui sont dans les tuyaux », parmi lesquels le texte qui vise à « démanteler la fonction publique et particulièrement la fonction publique hospitalière » ou encore « l'accord de partenariat qui met les hôpitaux publics entre les mains de constructeurs privés ».

Au lendemain de la remise du rapport Larcher, l'avenir de l'hôpital est dans tous les esprits, conscients que « les franchises ne sont qu'un hors-d'oeuvre » comme l'a indiqué un autre intervenant. Très remontée, Sylvette Gruais est venue exprimer sa colère. Parce qu'elle connaît Bruno-Pascal Chevalier mais surtout parce qu'elle vient de vivre un drame familial. « Mon père vient de mourir. Nous avons été obligés de lui acheter des alaises pour qu'il finisse ses jours dans la dignité car l'hôpital, comme c'était le week-end, n'avait plus assez de stock. Quand une société en arrive là, c'est qu'elle est en danger », estime cette femme, présente aussi en tant que mère d'une fillette handicapée. « Quand je ne serai plus là, elle n'aura que l'AAH (allocation adulte handicapé) pour vivre. Et quand elle aura à choisir entre se nourrir ou se soigner, eh bien elle mourra », s'indigne-t-elle.

À quelques mètres, une dame âgée tend l'oreille pour écouter les interventions successives au mégaphone. À soixante et onze ans, c'est la première fois qu'elle descend dans la rue. « J'ai été opérée en 1988 aux intestins. Je prends toujours des cachets mais avant tout m'était remboursé à 100 %. J'ai travaillé dans la couture, je repassais les cuirs. J'ai la colonne vertébrale en très mauvais état. J'aimerais pouvoir continuer à me soigner », explique-t-elle. À moins que le gouvernement prenne les conseils d'Act Up Paris au sérieux : « Je suis malade. Mort, je coûterai moins. Tuez-moi ! »

Ludovic Tomas

Retour haut de page

Aucun commentaire: