mercredi 19 novembre 2008

Les cadres font de plus en plus appel aux prud'hommes


LES RELATIONS entre cadres et employeurs se sont tendues au cours des vingt-cinq dernières années. Plus nombreux, les conflits sont aussi plus durs, d'après une enquête rendue publique, lundi 17 novembre, par Force ouvrière-cadres. Elle a été réalisée par les chercheurs Ferruccio Ricciardi (Centre Maurice-Halbwachs), Benoît Verrier (GSPE-Prisme) et Laurent Willemez (université de Poitiers) dans le cadre d'un partenariat entre FO et l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES).

De 1982 à 2006, les contentieux présentés devant les sections " encadrement " des conseils des prud'hommes ont explosé, passant de 14 094 à 25 472, soit une hausse légèrement supérieure à 80 %, alors qu'ils ont diminué, selon FO, au cours de la même période dans les autres sections (agriculture, industrie, commerce, activités diverses).

L'augmentation du nombre de cadres (supérieure à 50 % en 20 ans, d'après FO) a contribué à cette tendance. En revanche, les effets du chômage sont plus incertains, car le recours accru des cadres aux juridictions du travail " ne s'est pas estompé " lorsque la conjoncture s'est améliorée, pendant la période 1997-2000.

Pour comprendre ce qui s'est passé, les auteurs de la recherche ont décortiqué environ 500 décisions prononcées par les prud'hommes de Grenoble, Longjumeau (Essonne) et Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), entre 2001 et 2007. Les jugements pris en compte portent exclusivement sur des ruptures du contrat de travail (qui représentent 90 % des litiges dans l'encadrement, contre 50 % en moyenne).

Il en ressort que le licenciement pour motif personnel est devenu l'une des principales causes " d'entrée au chômage " pour les cadres. " L'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultats " ont pris la place de notions " plus "subjectives" telles que la "perte de confiance" de l'employeur à l'égard de son salarié " .

Désormais, écrivent les trois chercheurs, " les échecs tout comme les réussites sont examinées sous la seule dimension de la capacité individuelle à atteindre ou à ne pas atteindre les objectifs fixés " . Autrement dit, les cadres sont de plus en soumis à un " management de la performance " , selon la formule d'Eric Pérès, secrétaire général de FO-cadres, qui a présenté les résultats de l'enquête, lundi.

TENSIONS

Lorsque les prud'hommes lui donnent gain de cause, un cadre demande rarement à réintégrer la société qui l'a remercié, ce qui accrédite l'idée d'une " logique de l'honneur " , aux yeux de M. Pérès.

Aujourd'hui, près d'un tiers des cadres qui saisissent les juridictions du travail sont des femmes, soit dix points de plus qu'au début de la décennie, rapporte FO. Cette progression " accompagne la féminisation constante de l'encadrement " , mais elle s'explique aussi par les inégalités professionnelles subies par les femmes.

M. Pérès pense que ces tensions pourraient redoubler avec la mise en application de la loi du 20 août " portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail " . En modifiant le système du forfait-jours, elle permet aux entreprises de demander à leurs cadres de travailler davantage.

Bertrand Bissuel

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