Amiante, le scandale le plus long
par Eliane Patriarca
100 000 cercueils, le scandale de l’amiante
de José Bourgarel
France 2, ce soir, 22 h 50
En DVD le 29 janvier
L’amiante est un fléau dont on croit s’être débarrassé, le moteur d’une tragédie sanitaire que l’on souhaiterait terminée. C’est faux et le premier mérite du documentaire de José Bourgarel est de secouer notre indifférence. Chaque jour, en France, dix personnes meurent d’avoir respiré cette poussière blanche hautement cancérigène, et les premières images montrent les visages de ceux qui savent leurs jours comptés. Avec 3 000 décès par an — 100 000 d’ici à 2025 en France, et 500 000 en Europe —, l’ampleur de la catastrophe est insupportable. Mais le pire survient au fil des interviews et des documents collectés par le réalisateur, qui démontrent, dans un documentaire classique mais saisissant, que cette hécatombe aurait pu être évitée.
Minéral magique, l’amiante est un isolant utilisé dès le début du XXe siècle. Chantiers navals, bâtiments, on ignifuge tout. Dès 1906, un médecin du travail français s’inquiète de la surmortalité des ouvriers travaillant à son contact. En 1930, on fait le lien avec les cancers du poumon. Et pourtant, la fibre tueuse n’est pas interdite et son usage est même encouragé. José Bourgarel retrace la manipulation orchestrée par les industriels : pour contrer les rapports qui établissent la dangerosité du minéral, ils musellent la presse, s’annexent des scientifiques et promeuvent « l’usage raisonné de l’amiante ». Vaste fumisterie.
En France, ils forgent une machine de guerre, le Comité permanent amiante (CPA) – regroupant des représentants de l’Etat, des scientifiques et des syndicalistes – auquel le gouvernement finit par déléguer officieusement toute la gestion du dossier ! Le scandale finit par éclater dans les années 90 grâce, notamment, aux chercheurs de Jussieu, une université entièrement amiantée.
Mais le drame ne s’est pas achevé avec l’interdiction de l’usage de l’amiante sur le territoire français, en 1997. D’abord parce que les maladies, horriblement douloureuses, peuvent se déclarer vingt à trente ans après l’exposition ; ensuite parce que de l’amiante, il y en a encore ; la production et le commerce se poursuivent dans les pays du Sud. Enfin, parce que les victimes françaises, qui ont déposé leurs premières plaintes en 1996, craignent désormais de ne pas vivre assez longtemps pour voir jugés les responsables.
En Italie, les victimes ont eu gain de cause au bout de trente ans de combats : en décembre, un gigantesque procès s’est ouvert à Turin, opposant 2 900 parties civiles aux ex-patrons d’Eternit, le leader européen de l’amiante-ciment, et le responsable de dizaines de milliers de morts en France.
100 000 CERCUEILS, le scandale de l'amiante - Extrait 2
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