Coût du travail : l'Europe prend le relais de Sarkozy et Parisot
Le document préparatoire au sommet européen du 11 mars entend faire de l'évolution des salaires et de la productivité du travail la base de l'évaluation de la compétitivité.
On apprenait hier que le document préparatoire au sommet de la zone euro du 11 mars prochain rédigé par les experts du président de la Commission, José Manuel Barroso, et du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, visant à donner corps à la proposition franco-allemande de « pacte de compétitivité », entend faire des salaires et de la productivité du travail la base d'évaluation de la compétitivité des différents pays de la zone euro. Les « apparatchiks » de Bruxelles prennent ainsi le relais du couple européen Sarkozy-Merkel et du tandem franco-français Sarkozy-Parisot, pour institutionnaliser l'idée que la relance de la compétitivité de l'Union passerait par un écrasement des coûts salariaux.
Dans l'Hexagone pourtant, l'Insee a publié lundi de nouveaux chiffres montrant, comme nous l'avions indiqué dans ces colonnes, que l'écart entre le coût horaire français et allemand est très réduit. Il était de 31,53 euros en France pour 28,91 euros en Allemagne en 2008. Dans l'industrie manufacturière, le secteur où notre pays accuse véritablement un retard vis-à-vis de son partenaire, les positions s'inversent même : le coût horaire était de 33,16 euros pour la France contre 33,37 pour l'Allemagne.
Mais cette focalisation sur le prix de la main-d'œuvre relève davantage d'un parti pris social que d'une démarche scientifique. D'abord parce que si cet indicateur était en soi un facteur de compétitivité, la Roumanie et la Bulgarie seraient les premiers exportateurs en Europe. Ensuite, parce qu'il est un autre facteur qui joue un rôle très important : le capital. Et justement, son coût est de plus en plus élevé. Intérêt, dividendes et plus-values ont fortement progressé depuis dix ans, pesant de plus en plus lourdement sur l'efficacité productive. Enfin, d'autres facteurs que les seuls coûts expliquent le retard français. C'est particulièrement le cas pour l'effort de recherche-développement. Si les dépenses des entreprises représentent 1,32 % du PIB en France, elles équivalent à 1,85 % en Allemagne, 2,01 % aux États-Unis, 2,69 % au Japon.
Pierre Ivorra
Fichier ADN : le syndicalisme considéré comme un crime
Alerté par la situation de Philippe Galano, militant CGT poursuivi pour son refus de se soumettre à un prélèvement ADN, le député communiste Pierre Gosnat présente une proposition de loi pour interdire le fichage génétique des syndicalistes.
C'est un fichier qui gonfle, au point que près d'un million et demi de personnes sont aujourd'hui génétiquement fichées. Pour dénoncer cette situation et y remédier, Pierre Gosnat, député communiste d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), a présenté, hier, au nom de son groupe politique, une proposition de loi visant à interdire le fichage génétique des militants syndicaux, et plus généralement à limiter le champ du fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). Créé en 1998, le Fnaeg a vu son champ très largement élargi avec Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur puis président de la République. N'y sont plus soumis uniquement les auteurs de crimes sexuels, les individus potentiellement dangereux, mais sont désormais concernés, par exemple, les vols à l'étalage, les tags sur panneaux publicitaires, les arrachages d'OGM Du coup, alors qu'en 2000 on comptait 2 000 prélèvements, ils étaient 150 000 dès 2005. Au 1er janvier 2010, 1,2 million de personnes figuraient au fichier qui s'élargit depuis de 30 000 inscriptions supplémentaires mensuellement.
la criminalisation de l'action syndicale
Pour Pierre Gosnat, « avec le Fnaeg, les syndicalistes sont traités à l'égal de criminels et de terroristes. Pourtant, la question de leur dangerosité pour la société et l'utilité même de la conservation de leur ADN est nulle ». Le député communiste explique que « la question du fichage génétique est l'un des aspects de ce que nous dénonçons depuis longtemps : la criminalisation de l'action syndicale ». Il y voit pour preuve le fait que « les seuls délits pour lesquels leurs auteurs ne sont pas soumis à un test génétique sont les délits financiers de type abus de biens sociaux, détournements, etc. ».
Philippe Galano, militant syndicaliste des Pyrénées-Orientales, qui refuse de se soumettre à un prélèvement ADN, et Jean-Claude Vitran, membre du bureau de la Ligue des droits de l'homme, présents au côté de Pierre Gosnat, partagent cette analyse. « On veut faire peur aux militants, à ceux qui mettent en cause le gouvernement en place », affirme Jean-Claude Vitran. Philippe Galano raconte comment, après sa condamnation à trois mois de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende pour « séquestration », il a refusé de se soumettre au prélèvement ADN. Ce qui lui vaut un nouveau procès, fixé au 17 mars, à Perpignan (voir ci-dessous).
intimidation et discrimination syndicale
« Le combat de Philippe Galano n'est pas un combat individuel, toute la CGT est avec lui », affirme Michel Doneddu, secrétaire confédéral, présent à la conférence de presse pour exprimer son soutien et « saluer l'initiative de Pierre Gosnat et de son groupe parlementaire de dépôt de cette loi ». La CGT constate « une accélération de la répression, de l'intimidation et de la discrimination syndicale ». Le dirigeant syndical dénonce la tendance au recours systématique par le patronat de constats d'huissier dès qu'il y a rassemblement ou grève dans une entreprise, la qualification de « séquestration » quand il y a occupation de locaux ou de « diffamation » quand le syndicat dénonce les conditions de travail dans l'entreprise.
Ces propos, de fait, ont été confirmés l'après-midi même par le garde des Sceaux, Michel Mercier. Interpellé par Pierre Gosnat sur le cas Galano et le Fnaeg, lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale, le ministre a botté en touche, affirmant que ce n'était pas pour un fait syndical que Philippe Galano avait été condamné mais pour « enlèvement, séquestration et recel ». « La loi s'impose à tous », a-t-il lancé, au nom de quoi il refuse toute « immunité pour les syndicalistes ».
Olivier Mayer
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