lundi 7 mars 2011


"Espionnage" chez Renault : les "fuites" font "pschitt"


L’affaire d’espionnage industriel chez Renault est en train de se révéler totalement bidonnée. Elle a éclaté début janvier avec la mise à pied, puis le licenciement de trois cadres haut placés, à la suite d’une enquête interne de Renault consécutive à l’envoi de courriers anonymes. Ces cadres étaient soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin via des comptes bancaires en Suisse ou au Liechtenstein.

Le syndicat CGT de Renault a estimé jeudi que « cette affaire gravissime pour l’image de l’entreprise témoigne du climat délétère au sein de Renault, qui ne cesse de s’amplifier au cours des dernières années », poursuit la CGT. En outre, indique le syndicat, l’évocation de possibles manipulations « montre malheureusement le dédain de la direction à l’encontre des salariés victimes, au regard des conséquences désastreuses pour eux ». Cette affaire pourrait bien, dans notre pays, remettre en selle le débat lancé dès 2005 sur la mise en place des systèmes d’alertes éthiques dans les entreprises.

Le Monde indiquait déjà en mai 2009 qu’aux États-Unis les dénonciations ont augmenté de 21 % au premier trimestre 2009, contre 16,5 % en 2008 et 11 % trois ans auparavant. Tout cela justifiant la mise en place de systèmes de « whistleblowing » et autres « dispositifs d’alerte professionnelle ». La même année en novembre, la justice a suspendu le système de dénonciation anonyme mis en place au sein de la société Benoist-Girard, filiale du groupe américain Stryker. Mais quelque 1 300 entreprises utiliseraient des dispositifs similaires en France. On voit dans ce genre d’affaires que ces systèmes, sous le contrôle exclusif de l’employeur, sont des armes redoutables contre les salariés. Que l’on habille l’infamie de la dénonciation anonyme sous le vocable d’alerte éthique n’est pas anodin. Lorsque l’on sait dans quelle estime les employeurs tiennent les syndicalistes soupçonnés a priori de jouer contre l’intérêt général, on doit s’inquiéter d’un tel développement du « whistleblowing ».

Mais au-delà, il est insupportable d’ajouter à toutes les pressions déjà subies par les salariés et les cadres, celle de devoir se méfier de tout le monde. Plus fondamentalement, avec ces systèmes, on détourne l’attention vis-à-vis des turpitudes et des pratiques patronales. Qui va dire ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas ? Quelle banque, ou tout simplement quelle multinationale accepterait par exemple d’être dénoncée par ses propres cadres parce qu’elle continue d’avoir des activités dans les paradis fiscaux ?

La transparence au nom de laquelle sont mis en place ces systèmes est une vue de l’esprit. Elle se fonde sur une relation de subordination des salariés, cadres compris. Devons-nous accepter d’abdiquer notre citoyenneté en arrivant au bureau ou à l’atelier et accepter sans regimber la mise en place de systèmes de surveillance, de dénonciation ? On a vu chez Renault ce que valent les enquêtes et procédures internes. Qu’aujourd’hui Carlos Ghosn, le patron de Renault patauge dans le marigot qu’il a créé, est une belle leçon dont hélas, il ne risque pas de faire les frais à titre personnel. Dans cette affaire, et sauf rebondissement, trois cadres supérieurs sont injustement aujourd’hui au ban d’infamie. Pour une affaire connue, combien d’autres étouffées ? Combien de licenciements express, de bonne foi bafouée ?

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