La crise a disparu des radars électoraux, comme si elle s'était brusquement évanouie. Le brusque recul du CAC 40 hier montre que le feu couve sous la braise. Tandis que la BCE refinance les banques qui réalisent des plus-values sur les dettes souveraines, les plans d'austérité, comme prévu par les économistes raisonnables, engendrent une récession qui ne peut qu'accentuer les déficits publics.
La plupart des acteurs de notre campagne présidentielle font comme
si la double crise de l'euro et de la dette était derrière nous. Or,
plusieurs nouvelles rappellent utilement que le feu continue de brûler
sous la braise.
Le premier signe est, en apparence, une
bonne nouvelle, tombée durant le week-end et peu évoquée par les médias
: en deux mois, la Banque centrale européenne vient de prêter la
bagatelle de 1 000 milliards aux établissements bancaires à un taux qui
fait rêver tout acheteur de logement : 1%. Officiellement, ces
liquidités octroyés à quelques 800 banques pour une durée de trois ans,
leur permettent de répercuter ces largesses sur les prêts consentis aux
états pour refinancer leur dette : ainsi les taux d’emprunts consentis à
l’Espagne et l’Italie sont ainsi passés de 7 ou 8 % à respectivement 2,
3 et 2,6%. Mais, outre que cette modération ne s’applique ni à la Grèce
ni au Portugal, il s’agit encore une fois d’un cadeau aux banques
privées : un enfant de trois ans comprend que lorsqu’on peut emprunter à
1% et prêter à 2,3%, on réalise un bénéfice de 130%.
Parallèlement, l’anxiété grandit en Allemagne : on a découvert à travers Target 2,
un système de transactions automatiques interbancaires d’une
remarquable opacité, que la Bundesbank allemande avait 500 milliards de
créances possiblement douteuses dans les autres pays européens. En
réalité, ces créances ne sont que le reflet de l’excédent commercial
allemand et des déséquilibres qu’il engendre. Ces créances résultent,
comme l'explique très clairement François Leclerc, de « la substitution
de l'Eurosystème au marché interbancaire qui ne fonctionne plus » : « Les
banques commerciales d’un pays donné de la zone euro se finançant sans
limites auprès de leur banque centrale nationale, celle-ci enregistre
ses créances auprès de sa consœur du pays d’où sont importés des biens
et des services grâce à ses crédits. Le cumul net de ces créances a
abouti aux montants évoqués dans les livres de la Bundesbank, soit 20 %
de son PIB, tout simplement parce que l’Allemagne est le principal
exportateur net au sein du marché européen. » Pour rétablir
l'équilibre, il faudrait donc que l'Allemagne augmente sa consommation
et ses importations. Mais comme Angela Merkel refuse toute relance de la
consommation intérieure allemande, cette créance de 500 milliards
commence à semer l’inquiétude sur les marchés.
Enfin, les signaux sur les marchés sont d'autant plus alarmants - cf. la dégringolade du CAC 40 de 3,58% mardi 6 mars
- que la politique d’austérité imposée un peu partout en Europe
ralentit les recettes des états et … accentue leurs déficits publics.
Même les Pays-Bas, l'un des bons élèves de l'euro, est à présent touché,
avec un déficit public de 4,5%,
alors que ses dirigeants multipliaient les admonestations contre les
PIG'S. En Espagne, le gouvernement Rajoy a annoncé que le déficit public
serait de 5,8 et non de 4,4 comme le stipulait la feuille de route
Merkozy. Au Portugal, les fuites sur une rencontre informelle
entre le ministre des finances portugais, Victor Gaspar, et son
homologue allemand, Wolfgang Schäuble, ont alimenté la rumeur sur une
possible renégociation de la dette portugaise. Avant même d’être adopté,
le fameux mécanisme européen de stabilité est ainsi piétiné. Il ne
reste plus qu'à attendre le retour de bâtons en Allemagne même de la
récession qu'a imposé son gouvernement aux autres pays d'Europe. Le seul
suspens de la campagne est de savoir s'il aura lieu avant ou après
l'élection présidentielle.
Le site : Marianne.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire