Un technicien
d'ERDF risque le licenciement pour avoir laissé un répit à des familles en
difficulté.
Le
distributeur d'électricité d'ERDF court-circuite un de ses salariés. Jef Duval,
technicien clientèle depuis 2008 à l'agence d'Arcueil (Val-de-Marne), est
menacé de renvoi pour avoir fait preuve d'humanité. Son crime ? Avoir reconnu
lors d'un entretien avec ses supérieurs ne pas poser systématiquement de «
service minimum » (SMI).
En clair, il lui est reproché de ne pas avoir mis en
place ce disjoncteur d'une capacité très réduite de 1 000 watts aux foyers
dans l'incapacité de régler leurs factures. Cette procédure constitue la
dernière étape avant la coupure définitive du courant. Pour avoir fait preuve
de compréhension et laissé un sursis à deux ou trois familles en difficulté cet
été, le technicien de vingt-trois ans est passé le 17 février en conseil de
discipline. Et risque d'être poussé vers la sortie.
Pour Laurent
Langlard, de la fédération CGT de l'énergie, cette situation est endémique. «
Jef n'a fait ni plus ni moins que ce que font d'autres agents ! Beaucoup ont
encore un attachement au sens du mot service public. Devant des familles avec
des enfants, on est obligé de prendre des décisions. » Mais ces valeurs se
heurtent aux exigences de résultats d'EDF, fournisseur d'électricité auprès de
son distributeur ERDF.
Depuis la séparation entre les deux entités amorcée dès
2004 avec le changement de statut d'EDF en société anonyme à capitaux publics,
puis confirmée en 2008 avec la création d'ERDF, la culture du service aux
usagers semble passer au second plan. Maintenant, quand EDF donne l'ordre
d'intervenir pour une coupure, l'agent ERDF ne connaît pas la situation
délicate des usagers, ne sait pas s'ils ont été informés de tous les recours
possibles, il doit juste accomplir sa tâche. « Quand les deux entreprises
étaient intégrées, on pouvait gérer les difficultés. Mais aujourd'hui, EDF met
la pression sur son distributeur pour gagner toujours plus », tempête Laurent
Langlard.
La CGT
dénonce l'abattage, le travail à la chaîne des coupures d'électricité. D'après
le syndicat, 1 245 coupures pour non-paiement ont été programmées entre le
1er juin et le 31 août rien qu'à Arcueil ! Le géant de l'électricité
n'ignore pas qu'entre 4 millions à 5 millions de personnes sont en situation de
précarité énergétique en France, c'est-à-dire qu'elles consacrent 10 % de leur
budget à l'énergie et ont des difficultés pour régler leurs factures. « Face à
ces situations de détresse, les agents sont en première ligne, et ce ne sont
pas des robots », souligne Laurent Langlard. Jusque-là, Jef, également militant
CGT, avait connu un parcours sans encombre au sein de l'entreprise après deux
ans d'apprentissage et un an de stage. En attendant la sentence, une pétition a
été lancée pour soutenir le salarié, coupable d'avoir une conscience civique et
morale.
Cécile
Rousseau
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