La Cour de cassation examine aujourd'hui l'arrêt Viveo, par lequel la cour d'appel de Paris a ouvert la voie à un contrôle du motif économique des plans de licenciement, qui fait frémir le patronat.
Les
entreprises vont-elles pouvoir continuer à mettre en place des plans sociaux
sans motif économique réel? Tel est l'enjeu de l'audience qui se tient cet
après-midi à la Cour de cassation. La chambre sociale doit se pencher sur le
fameux arrêt Viveo, par lequel, le 12 mai dernier, la cour d'appel de Paris a
ouvert la voie à un contrôle judiciaire du motif économique des plans de
sauvegarde de l'emploi (PSE). Fait exceptionnel, illustrant le caractère
hautement sensible de l'affaire, la Cour de cassation avait déjà examiné
l'affaire fin février et devait se prononcer le 6 mars. Mais l'avocate du
comité d'entreprise de Viveo a obtenu la réouverture des débats, après avoir
constaté que l'avocat général n'avait consulté, pour rendre son avis, que la
direction générale du travail (DGT) et l'Association nationale des DRH (ANDRH),
faisant pencher la balance dans un sens nettement patronal. Pour cette nouvelle
audience, l'avocat général a dû solliciter l'avis de l'ensemble des confédérations
syndicales et du Medef.
Cette saine
consultation ne devrait toutefois pas modifier la teneur de son avis, qui
invitait les magistrats de la cour, fin février, à casser l'arrêt Viveo pour en
rester aux dispositions actuelles du Code du travail et de la jurisprudence sur
les licenciements économiques. Celles-ci prévoient l'annulation d'un PSE en cas
d'absence ou de défaut du plan de reclassement, et sa suspension si l'employeur
ne respecte pas la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise.
le chantage à
l'emploi PAR LE
PATRONAT
Mais dans les
cas, a priori plus graves, où le plan vise une augmentation de la rentabilité,
sans correspondre aux motifs économiques admis (les difficultés économiques,
les mutations technologiques, la cessation d'activité et la sauvegarde de la
compétitivité), les salariés n'avaient pas jusqu'à présent la possibilité de le
faire annuler. Ils pouvaient seulement, une fois licenciés, saisir les
prud'hommes pour réclamer des dommages et intérêts à l'employeur, pour absence
de motif économique.
C'est cette
construction bancale qu'a voulu redresser la cour d'appel de Paris, en
annulant, au nom du « contrôle de la légalité de la procédure », le PSE de
Viveo mené par un groupe en parfaite santé économique.
Le camp
patronal agite le chantage à l'emploi pour peser vers une cassation de l'arrêt.
Le Medef dénonce une « dérive jurisprudentielle », craint une « saisine
systématique du juge » en cas de PSE, s'inquiète de la « pérennité des
entreprises », tandis que l'ANDRH dénonce une « immixtion excessive du juge
dans la gestion des entreprises », estimant sans vergogne que le droit du
licenciement est déjà si complexe qu'il « conduit aux phénomènes de
contournement des PSE » comme les départs volontaires, les ruptures
conventionnelles et les contrats précaires.
APPEL à un
rassemblement de
l'intersyndicale Viveo
La CGT estime
au contraire que casser l'arrêt « reviendrait à encourager la fraude à la loi »
et rappelle que « la sanction de nullité ne frappera qu'une délinquance sociale
manifeste ». A 13 heures, l'intersyndicale CGT-CGC de Viveo appelle à un
rassemblement place Saint-Michel, auquel participeront des salariés d'Ethicon,
dont le sort est également suspendu à la décision de la Cour de cassation.
Fanny
Doumayrou
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