Didier Le
Reste,
syndicaliste
CGT et ex-candidat du Front de gauche aux législatives.
En quoi
l'ajout au traité budgétaire européen de François Hollande avec son pacte de
croissance est-il insuffisant ?
Didier Le
Reste. Une grande partie des observateurs s'accordent à reconnaître, y compris
au PS, que François Hollande n'a pas renégocié le traité tel qu'il s'y était
engagé. Il a obtenu un volet de croissance et d'emploi qui n'est contraignant
ni sur le plan politique ni sur le plan juridique. Le traité Sarkozy-Merkel
reste en l'état, et c'est ce qui est le plus dangereux. Le pouvoir du Parlement
de décider du budget de la nation faisait le contrat social de notre pays.
C'est un fondement de la République, que l'on trouve à l'article 14 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il prévoit que les
citoyens suivent le cheminement de leur budget national, de son recouvrement et
de sa durée. La ratification d'un tel traité manifeste donc beaucoup de mépris
vis-à-vis des exigences démocratiques. Si, d'aventure, ce traité passait, on
transférerait des pans de souveraineté budgétaire à la Commission européenne, à
savoir des gens non élus. Je pense donc que c'est suffisamment grave et
important pour que les Français puissent être consultés. On a donc besoin d'un
référendum, avec un vrai débat public comme cela a été fait en 2005.
Au-delà de
cet aspect démocratique important, en quoi représente-t-il une menace pour les
salariés ?
Didier Le
Reste. La Confédération européenne des syndicats s'est positionnée contre le
traité Merkel-Sarkozy, qu'elle juge dangereux puisqu'il instaure l'austérité et
remet en cause le modèle social européen, c'est-à-dire le triptyque :
protection sociale, services publics et négociations entre les syndicats et le
patronat. Tout cela vole en éclats. De par son contenu, le traité s'attaque à
la fois au marché du travail avec sa flexibilisation, au droit de grève, et il
accélère la privatisation des services publics. C'est donc lourd de
conséquences pour le monde du travail. Il est nécessaire de créer les
conditions pour que les salariés puissent s'exprimer sur leur avenir en étant
consultés. Je pense qu'il y a là une responsabilité qui incombe au mouvement
social.
Selon vous,
l'engagement syndical a donc largement sa place aux côtés du politique pour
lutter contre ce traité ?
Didier Le
Reste. Il n'y a pas à tergiverser, ni à confondre les genres. Bien sûr, le
politique a des responsabilités que n'a pas à assumer le mouvement syndical. Le
politique est dans son rôle quand il exige, au regard des lois françaises et de
la Constitution, que la parole revienne au peuple lorsqu'il y a transfert de
souveraineté. C'est pourquoi le Front de gauche a raison de vouloir
l'organisation d'un référendum. Mais ce n'est pas aller au-delà des
prérogatives du mouvement syndical que de condamner avec fermeté le contenu de
ce traité qui engage les salariés dans la régression sociale et de dire qu'il
n'est pas possible qu'une telle question de souveraineté soit ratifiée en
catimini. La campagne de sensibilisation et d'explications de la CGT est tout à
fait nécessaire.
En quoi ce
traité s'inscrit-il dans la lignée de Maastricht de mise en concurrence des
services publics ?
Didier Le
Reste. Avec la limitation des déficits publics à 3 % du PIB et la dette
publique à 60 % du PIB, le traité de Maastricht impose déjà des règles d'or. On
voit pourtant que cette politique n'a rien réglé de la question des dettes
publiques. C'est une politique qui n'a de cesse de casser ce qui fait le socle
de la cohésion sociale et de l'intérêt général, à savoir les services publics.
Entretien
réalisé par Guillaume Letourneur
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