dimanche 9 septembre 2012

« Le traité remet en cause le modèle social européen »


Didier Le Reste,
syndicaliste CGT et ex-candidat du Front de gauche aux législatives. 

En quoi l'ajout au traité budgétaire européen de François Hollande avec son pacte de croissance est-il insuffisant ?
Didier Le Reste. Une grande partie des observateurs s'accordent à reconnaître, y compris au PS, que François Hollande n'a pas renégocié le traité tel qu'il s'y était engagé. Il a obtenu un volet de croissance et d'emploi qui n'est contraignant ni sur le plan politique ni sur le plan juridique. Le traité Sarkozy-Merkel reste en l'état, et c'est ce qui est le plus dangereux. Le pouvoir du Parlement de décider du budget de la nation faisait le contrat social de notre pays. C'est un fondement de la République, que l'on trouve à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il prévoit que les citoyens suivent le cheminement de leur budget national, de son recouvrement et de sa durée. La ratification d'un tel traité manifeste donc beaucoup de mépris vis-à-vis des exigences démocratiques. Si, d'aventure, ce traité passait, on transférerait des pans de souveraineté budgétaire à la Commission européenne, à savoir des gens non élus. Je pense donc que c'est suffisamment grave et important pour que les Français puissent être consultés. On a donc besoin d'un référendum, avec un vrai débat public comme cela a été fait en 2005. 

Au-delà de cet aspect démocratique important, en quoi représente-t-il une menace pour les salariés ?
Didier Le Reste. La Confédération européenne des syndicats s'est positionnée contre le traité Merkel-Sarkozy, qu'elle juge dangereux puisqu'il instaure l'austérité et remet en cause le modèle social européen, c'est-à-dire le triptyque : protection sociale, services publics et négociations entre les syndicats et le patronat. Tout cela vole en éclats. De par son contenu, le traité s'attaque à la fois au marché du travail avec sa flexibilisation, au droit de grève, et il accélère la privatisation des services publics. C'est donc lourd de conséquences pour le monde du travail. Il est nécessaire de créer les conditions pour que les salariés puissent s'exprimer sur leur avenir en étant consultés. Je pense qu'il y a là une responsabilité qui incombe au mouvement social. 

Selon vous, l'engagement syndical a donc largement sa place aux côtés du politique pour lutter contre ce traité ?
Didier Le Reste. Il n'y a pas à tergiverser, ni à confondre les genres. Bien sûr, le politique a des responsabilités que n'a pas à assumer le mouvement syndical. Le politique est dans son rôle quand il exige, au regard des lois françaises et de la Constitution, que la parole revienne au peuple lorsqu'il y a transfert de souveraineté. C'est pourquoi le Front de gauche a raison de vouloir l'organisation d'un référendum. Mais ce n'est pas aller au-delà des prérogatives du mouvement syndical que de condamner avec fermeté le contenu de ce traité qui engage les salariés dans la régression sociale et de dire qu'il n'est pas possible qu'une telle question de souveraineté soit ratifiée en catimini. La campagne de sensibilisation et d'explications de la CGT est tout à fait nécessaire. 

En quoi ce traité s'inscrit-il dans la lignée de Maastricht de mise en concurrence des services publics ?
Didier Le Reste. Avec la limitation des déficits publics à 3 % du PIB et la dette publique à 60 % du PIB, le traité de Maastricht impose déjà des règles d'or. On voit pourtant que cette politique n'a rien réglé de la question des dettes publiques. C'est une politique qui n'a de cesse de casser ce qui fait le socle de la cohésion sociale et de l'intérêt général, à savoir les services publics.

Entretien réalisé par Guillaume Letourneur

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