jeudi 17 décembre 2009

Suicide : Renault condamné «pour faute inexcusable»

L'avocat de Renault, Me Béatrice Pola, a déclaré «avoir pris acte de la décision» du tribunal, et réfléchir à un éventuel appel.

La responsabilité du constructeur a été reconnue dans le suicide d'Antonio B., ingénieur de 39 ans qui s'était défenestré d'un bâtiment du technocentre de Guyancourt en 2006.

Trois après le suicide d'Antonio B., ingénieur chez Renault, le constructeur automobile a été condamné jeudi pour «faute inexcusable». Une condamnation qui imposera désormais à l'entreprise de prendre en charge l'intégralité de la rente versée à la famille de ce salarié de 39 ans, qui s'était défenestré du 5e étage du bâtiment principal du technocentre de Renault à Guyancourt, le 20 octobre 2006.

Cette décision, qui reconnaît la pleine responsabilité de Renault dans le décès d'Antonio B., était ardemment souhaitée par la famille du défunt. «Mon fils doit savoir que son père n'était pas fou, mais qu'il s'est fait broyer par une entreprise qui s'appelle Renault» a déclaré aujourd'hui Sylvie T., la veuve du défunt, sur France info, insistant sur le fait que «sans cette organisation du travail, [s]on mari serait aujourd'hui encore en vie».

Un euro symbolique

Lorsqu'un officier de police lui a appris la terrible nouvelle, Sylvie T. n'a «pas été si surprise» a-t-elle déclaré à la présidente et aux assesseurs au début du procès. L'activité professionnelle de son mari était devenue chaque jour plus envahissante, jusqu'à être une véritable cause de souffrance. C'est un homme amaigri, répétant sans cesse «être nul» qu'a décrit la plaignante.

C'est pourquoi, après avoir obtenu que la mort de son mari soit reconnue comme accident du travail par la sécurité sociale, Sylvie T. avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre pour faire reconnaître la responsabilité de Renault. La condamnation du constructeur majorera la rente versée au maximum, à laquelle s'ajoutera un euro symbolique de dommages et intérêts demandé par la famille.

Un signal fort

Aujourd'hui, Sylvie T. a fait part de son «immense soulagement». «On rend enfin justice à mon mari. On reconnaît ce qu'il a subi, enduré à cause de Renault. J'espère que ce sera un signal fort pour toutes les entreprises» qui sacrifient «tout sur l'autel de la rentabilité, et pour les salariés. Qu'ils sachent que la justice est de leur côté».

L'avocat du constructeur, Me Béatrice Pola, a de son côté déclaré «avoir pris acte de la décision» du tribunal, et réfléchir à un éventuel appel, comme décidé en 2008 à la suite d'une précédente condamnation pour «faute inexcusable : «Nous allons prendre notre temps. C'est une décision importante. L'affaire est délicate et la réserve s'impose».



Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Nanterre a condamné, jeudi 17 décembre, Renault pour "faute inexcusable" pour le suicide d'un de ses salariés en 2006, a annoncé la présidente du tribunal, Marie-Hélène Kartti. Antonio B., ingénieur en informatique de 39 ans, s'est suicidé le 20 octobre 2006. Il s'est jeté du 5e étage du bâtiment principal du Technocentre de Renault à Guyancourt (Yvelines), devant plusieurs de ses collègues.

"Si j'ai décidé de ne pas en rester là, avait expliqué au Monde sa veuve Sylvie en mars 2007, c'est pour que mon fils de 11 ans connaisse les vraies raisons qui ont poussé son père à se donner la mort." Sylvie et sa famille estimaient que Renault n'avait pas respecté ses obligations de sécurité et que le stress professionnel auquel était soumis le salarié avait directement contribué à son geste. La famille d'Antonio B. avait demandé la majoration de la rente versée à la famille et un euro symbolique d'indemnisation, ce qui a été accepté par le tribunal.

A l'annonce de la décision du TASS, le porte-parole de Renault a rappelé que ce suicide avait été "un drame qui avait choqué tout le monde chez Renault". Il a expliqué que Renault, qui dispose d'un mois pour faire appel, avait "pris note de cette décision". "Avec tout le respect que nous avons pour la douleur de la veuve et donc pour sa démarche judiciaire, on pensait avoir fait la preuve dans le dossier que les éléments de fautes inexcusables n'étaient pas établis", a toutefois rappelé le porte-parole.

La décision du TASS a été saluée par les syndicats du Technocentre. Alain Gueguen, délégué SUD, se fellicite d'avoir eu "gain de cause sur quelque chose de très symbolique". Du côté de la CGT, on reconnaît également cette "valeur symbolique". Pour Pierre Nicolas, de la CGT du Technocentre, cette décision met à mal la stratégie de défense de la direction pour qui "les personnes qui se sont suicidées avaient uniquement des problèmes personnels". "Ils n'ont jamais reconnu que les changements dans l'organisation aient été cause de troubles chez les salariés." M. Nicolas espère que cette condamnation pour "faute inexcusable" fera changer les "méthodes de management qui ont été durcies depuis 2006, avec des systèmes de cotations qui mettent les salariés en difficulté. Nous espérons que cette décision sera un point d'appui pour tous ceux qui se battent et qu'elle fera jurisprudence", a-t-il conclu.

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