lundi 23 août 2010

Il est mort écrasé par l’ascenseur qu’il réparait à 17 h 10,
le vendredi 18 juin.


Au boulot n°2 nouvelle série dans L’Humanité Dimanche 10 juillet

Il avait 26 ans.

Il est mort écrasé par l’ascenseur qu’il réparait à 17 h 10, le vendredi 18 juin. Il était encore assis sur la porte palière à changer l’un des boutons de stop de bas de fosse, quand l’engin bloqué à 3 m au-dessus de lui a redémarré à 0,63 m/seconde. Pas eu le temps de se retirer. La violence du choc a provoqué un arrêt du cœur, avec le temps qu’il a fallu pour le dégager, il n’a pu être vraiment réanimé. Parti dans le coma avec le Samu, il est décédé à la Pitié. Il travaillait depuis 15 mois chez Schindler qui l’avait placé à demeure pour l’entretien des 37 ascenseurs des 11 immeubles du Crédit Lyonnais, Boulevard des Italiens. Son compagnon de 22 ans recruté en avril 2010 s’est sauvé de justesse, en se blottissant dans le mince espace de la réserve au 3° sous-sol.

Hors la souffrance, il ne nous reste que des questions. Pourquoi ont-ils, à deux, commencé à faire la maintenance d’un ascenseur qui n’était pas en panne, un vendredi à plus de 16 h 30 ? Comment ont-ils été piégés, par le redémarrage de l’engin ? Certes, il aurait du être consigné hors circuit, mais comment faire des repérages et des tests avec des fils emmêlés de façon complexe dans ces conditions ? De toute façon la protection doit exister dans tous les cas, porte palière ouverte. Rien ne devrait fonctionner sauf si des protections ont été shuntées, dans une vie antérieure de l’ascenseur.. Pour aller couper l’alimentation, il faut monter au 7° étage dans la machinerie et comment communiquer par la grille, par-delà la cabine, sans talkie-walkie, le son d’une voix descend-il sept étages ? Quelle formation de ces deux jeunes gens ? On nous dit qu’elle a été faite et qu’ils étaient compétents. Mais ils étaient bien jeunes, pour faire face aux redoutables dangers de ce métier.

Quelles exigences pesaient sur eux ? Les 4 grandes maisons d’ascenseurs, OTIS, Kone, Thyssen, Schindler ont été condamnées, à une amende record, il y a quelques années pour ententes illicites en Europe. Ne préfèrent-elles pas la maintenance plus juteuse que le renouvellement des parcs qui ne s’opère qu’à niveau de 10 % par an. Les récentes obligations de sécurité, qui relèvent de l’équipement plus que du droit du travail, bien qu’un autre décret soit en préparation, leur ont donné une manne : on sait qu’elles ont du mal à recruter et à former du personnel en nombre suffisant pour y faire face.

Comme la majorité des accidents du travail, on sait qu’une sécurité contrainte aurait permis de l’éviter. L’erreur dite « humaine » n’existe que quand l’insécurité technique permet qu’elle existe. Rien ne fera revenir le jeune Aurélien. Mais tout peut, doit être fait pour que la chaîne en cascade des employeurs, du donneur d’ordre au chef d’agence, soit contrainte à ce que cela ne puisse plus se reproduire. Comme on dit, il faut que l’enquête se poursuive et qu’elle débouche. Ce jeune homme n’était pas un gendarme, ou un policier, aucun officiel ne s’est déplacé pour lui rendre hommage, aucun grand média n’a fait la « une » sur sa mort. Pourtant il est tombé au champ d’honneur du travail.

Gérard Filoche

Aucun commentaire: