dimanche 25 mars 2012

Le « basta ! » de tout un peuple

Grève générale aujourd'hui contre les réformes du marché du travail. La CGT portugaise dénonce une politique dévastatrice et préconise une sortie par « le haut » de la crise.

Lisbonne (Portugal),
envoyée spéciale. 

Les grandes tours de verre de Galp Energia reflètent la réussite de ce mastodonte de l'économie portugaise. Au compteur pour l'année 2011 : 433 millions d'euros de profits. L'an passé, les actionnaires se sont augmenté leurs dividendes de 20 %. La crise économique qui frappe le Portugal n'atteint pas ce géant de l'énergie. Les pactes d'austérité imposés à marche forcée par la troïka (BCE, UE, FMI), depuis juin 2011, non plus. « L'administration refuse d'augmenter nos salaires, déclare Jorge Gouveia, salarié de l'entreprise. Nous demandons juste qu'ils soient relevés pour vivre décemment. » Dans un premier temps, la direction s'est présentée à la table des négociations avec un 0 %. « Du mépris », lâche le travailleur. Face à la pression de la CGT du Portugal, la principale confédération, elle a lâché un 1 % d'augmentation. « Ça ne compensera même pas les 3,6 % d'inflation de cette année », poursuit Jorge, en pestant contre une direction qui prétexte la crise et la troïka pour saigner ses salariés. 

« Pour un changement de politique, pour les salaires, pour les services publics, le 22 mars, sans peur, pour la grève générale », exhorte les haut-parleurs devant siège de Galp Energia. « Nous voulons démontrer que nous n'acceptons pas les diktats, déclare Helder Guerreiro, coordinateur de la commission des travailleurs de Petrogal, une branche de la multinationale. La crise n'est pas inévitable et la grève du 22 mars veut le démontrer. »

le poison de l'austérité 

Des dizaines de milliers de salariés ont signé la pétition contre le « plan d'exploitation et d'appauvrissement » du premier ministre de droite, Pedro Passos Coelho, qui, depuis sa prise de fonction, il y a moins d'un an, applique des réformes antisociales d'une rare violence. Les 78 milliards d'euros de prêts consentis par la troïka ont été conditionnés au gel des salaires et des pensions, à l'augmentation de la TVA et des prix des transports, mais également des tarifs du gaz, de l'électricité. Les allocations familiales et chômage ont été lacérées. Certaines primes ont été supprimées. Les budgets des services publics ont tous été amputés. Les Portugais boivent jusqu'à la lie le poison de l'austérité : plus de 25 % de la population (10,5 millions d'habitants) vit sous le seuil de pauvreté, dont 400 000 travailleurs. 

Sur le plan économique, les entreprises qui ont baissé le rideau se comptent par milliers. Le gouvernement entend accélérer la privatisation des fleurons nationaux comme l'énergie (EDP) ou encore le transport aérien (TAP). Et le projet de réforme du marché de travail, qui sera discuté le 28 mars à l'Assemblée nationale, va creuser davantage l'abîme social. Calqué sur les réformes en cours en Europe, ce projet consacre la libéralisation des licenciements et leur coût. « C'est un projet sans précédent d'altération du Code du travail, explique Armando Farias, de la commission exécutive de la CGTP. Cette réforme veut instaurer une augmentation du temps de travail mais tout en baissant les rétributions salariales. » 

Pour la confédération, la seule à ne pas avoir apposé sa signature à ce projet, il faut inverser les moteurs. « Il faut augmenter les salaires pour relancer le pouvoir d'achat, faute de quoi l'appauvrissement des familles et des travailleurs s'aggravera, fait valoir Helder Guerreiro. C'est aussi la condition pour faire repartir une économie qui est en récession. » C'est le sens du message de la grève générale d'aujourd'hui, après celle de novembre qui avait été suivie par 3 millions de Portugais.

Cathy Ceïbe

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