jeudi 15 mars 2012

MICHELIN : La justice saisie : les rapports de l'inspection du travail sont accablants

« Les salariés victimes d'accident du travail subissent des pressions... en vue de les faire renoncer en partie ou en totalité à un arrêt de travail », révèle un premier document.


A la suite du reportage de TF1 du 28 février 2012 accusant Michelin de dissimulation d'accidents du travail, la direction de Michelin a répliqué dans un communiqué en qualifiant ces accusations de « graves et fausses ». Ce n'est manifestement pas l'avis des services de l'inspection du travail. Deux de ses rapports en témoignent. 

Il ressort ainsi de l'enquête conduite depuis 2009 par un inspecteur du travail de Bordeaux sur les pratiques de Michelin à l'usine de Bassens, « que les salariés victimes d'accident du travail subissent des pressions de la part de leur encadrement de proximité en vue de les faire renoncer en partie ou en totalité à un arrêt de travail. Ces pressions se manifestent par des appels téléphoniques au domicile du salarié et/ou par une visite physique le jour même ou dans la semaine de leur arrêt de travail, note le fonctionnaire. Il est entendu que ces prises de contact aboutissent rapidement à demander de façon insistante au salarié s'il accepterait d'occuper temporairement un poste de travail aménagé sous la menace à peine voilée de porter atteinte à sa carrière. Dans les cas fréquents où le travailleur accepte la proposition qui lui est faite, il lui est alors demandé expressément de prendre rendez-vous auprès du médecin traitant conseillé par l'établissement en vue de mettre un terme à son arrêt de travail ». 

Lorsque la proposition de poste aménagé est validée par l'infirmière, « il apparaît, après examen des bulletins de salaire, que ces derniers ne mentionnent pas de jour d'arrêt de travail » mais apparaissent des « permissions payées » et des « primes de contribution » pour les périodes concernées « qui viennent compenser et remercier les efforts consentis par les travailleurs ». 

Le résultat, souligne l'inspecteur, est que Michelin parvient ainsi « à baisser la charge des cotisations dues au titre des accidents du travail, et des maladies professionnelles ( ) en minorant volontairement et artificiellement le nombre de journées d'arrêt de travail ».
A Clermont-Ferrand, dans un courrier adressé à la CGT qui l'avait alerté et que celle-ci a rendu public, l'inspecteur du travail informe le syndicat que, sur la base des éléments relevés au cours de son enquête, il existerait au sein de l'établissement des Gravanches, site de production à la limite de Clermont-Ferrand, des pratiques non isolées telles que notamment : « non-déclaration d'accidents du travail ; enregistrement d'accidents ayant entraîné des soins médicaux au registre des bénins ; déclaration erronée d'accidents du travail ne faisant pas état d'arrêts de travail ». 

A la suite des entretiens qu'il a eus avec plusieurs salariés, l'inspecteur relève des pratiques condamnables, notamment « l'accompagnement quasi systématique à l'infirmerie et/ou au CHU du salarié accidenté avec des recommandations plus ou moins fermes et insistantes à ne pas se faire prescrire d'arrêt de travail ». L'inspection du travail a saisi la justice et une enquête est en cours.

P. I.

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