jeudi 28 juillet 2011
PORTUGAL - Moody’s nous pousse à la faillite
Le directeur du principal journal économique du pays étrille les agences de notation et demande qu’elles passent en jugement.
08.07.2011 | Antonio Costa | Diário Económico
A la suite de la décision d'abaisser l'appréciation de la dette du Portugal pour la placer dans la peu enviable catégorie "spéculative", l'agence de notation Moody's se voit critiquée au sein des instances européennes – un pouvoir dévastateur et immérité ainsi qu'un fonctionnement opaque figurent parmi les reproches généralement adressésu à ces entreprises privées.
Une mauvaise note pour Moody's
Les Etats, les banques et les entreprises ont besoin des agences de notation, des entités fondamentales pour évaluer le risque d'un pays et d'une économie comme pour garantir l'existence d'investisseurs prêts à placer leur argent. Mais ils n'ont pas besoin des agences telles qu'elles existent aujourd'hui, sans régulation ni limites.
Moody's a décidé lundi dernier [4 juillet] d'annoncer au monde un abaissement brutal de quatre points de la note souveraine du Portugal, l'envoyant "à la poubelle" [dans la catégorie des placements spéculatifs], quelques jours seulement après l'annonce par le gouvernement de l'adoption des premières mesures d'un plan d'austerité implacable négocié avec les instances internationales, dont un prélèvement exceptionnel de la moitié de la prime de fin d'année [soit la moitié d'un salaire mensuel].
La décision de cette agence est indécente, immorale, vraiment criminelle.
Il n'est pas acceptable que Moddy's décide de baisser la note du Portugal au prétexte - dit-elle - que nous allons avoir besoin d'un second prêt de la "troïka" [la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI], alors que nous n'avons pas encore commencé à appliquer les mesures du premier plan de sauvetage [d'un montant de 78 milliards d'euros]. Le nouveau gouvernement de Passos Coelho [droite libérale] possède une majorité claire, obtenue dans les urnes, et il a déjà annoncé des mesures plus ambitieuses (il faut lire : des mesures d'austérité supplémentaire) que celles imposées par la "troïka". Finalement ce n'est pas suffisant, mais, de fait, rien ne semble suffisant.
La décision de Moddy´s rendra bien entendu encore plus difficile un chemin que l'on savait ardu. Les banques vont payer plus cher l'accès au financement, si elles l'obtiennent ; les privatisations seront encore plus difficiles à concrétiser à un prix "décent" ; les investisseurs vont fuir la Bourse de Lisbonne et les entreprises n'auront plus accès au crédit. L'enfer des agences est désormais sur terre, au cœur des entreprises et des familles portugaises.
Les agences de notation actuelles sont un régulateur de marché sans régulation d'aucune sorte. Et malgré les mauvais services rendus au monde depuis 2008 - quand se sont succédé les faillites d'institutions financières qui, quelques jours plus tôt, étaient un investissement sans risque -, l'Europe n'a toujours rien appris. Elle n'a même pas été capable de créer une agence européenne indépendante - indépendante surtout des intérêts nord-américains. L'arrogance nord-américaine, qui contrôle les trois agences de notation qui comptent, et l'incompétence européenne, en particulier celle de l'Allemagne, nous ont amenés à cette situation.
Le Portugal ne peut pas, seul, arrêter de faire appel aux services de ces agences. Ce n'est pourtant pas l'envie qui manque. Mais l'Europe pourrait et devrait faire quelque chose pour défendre les citoyens européens. D'abord en faisant appel à sa force collective, en créant des alternatives pour que les investisseurs puissent avoir confiance lorsqu'ils mettent leur argent dans la dette publique des pays européens. Ensuite, en appelant la police pour faire comparaître les agences en justice afin qu'elles soient jugées pour leurs actes. Moody's pousse le Portugal à la faillite.
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