jeudi 15 septembre 2011

Tout ça pour un panneau syndical

Au boulot n°23

Qu’est ce que c’est qu’un petit panneau syndical ordinaire dans le monde d’aujourd’hui, un petit coin de mur destiné aux droits des salariés ? Selon l’ancien article L 418-8, devenu L 2142-3 dans le Code du travail « recodifié » depuis le 1er mai 2008, « l’affichage des communications syndicales s’effectue librement sur des panneaux réservés à cet usage et distincts de ceux qui sont affectés aux communications des délégués du personnel et du comité d’entreprise ». « Les panneaux sont mis à la disposition de chaque section syndicale suivant des modalités fixées par accord avec le chef d’entreprise » « Le contenu de ces affiches, publications et tracts est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve, de l’application des dispositions relatives à la presse ».

C’est étonnant ce que ça déplait à certains employeurs : ce n’est pas grand-chose, mais ça leur donne l’impression de ne pas être chez eux. Vous vous rendez compte, obligé aussi d’afficher les horaires ? Et le nom et l’adresse de l’inspecteur du travail et son téléphone ! Et le compte-rendu des DP, du CE ! Et les autres infos : médecin du travail, incendie, égalité des droits hommes femmes ? Et, en plus, de la « pub » pour un syndicat ? C’est énervant, hein ?

Puisque « les modalités » de gestion d’un tel panneau sont « fixées par accord avec le chef d’entreprise », n’importe quel syndicaliste peut être en butte à des tracassins sans fin…

Voilà donc un délégué CGT depuis 20 ans dans une entreprise de 250 salariés, une marque célèbre de vêtements pour enfants, qui est obligé de venir se plaindre à l’inspection du travail. Parce qu’une nouvelle DRH a décidé de déchirer le 9 novembre à 10 h 30, l’affiche unitaire en défense des retraites à 60 ans sans décote. Quel motif ? « Cette affiche est là depuis trop longtemps, elle est trop vieille ». C’est vrai qu’elle date du début de la mobilisation en mai 2010. Est-ce à elle d’en juger ? Non. Est-ce à elle de l’enlever ? Non.

En fait : « - Ce panneau est trop dans le passage, il va falloir le changer d‘endroit ». C’est vrai que dans le beau siége social du II° arrondissement de Paris, les visiteurs ne peuvent pas le rater, il est à la fois à l’accueil et à l’entrée des vestiaires et toilettes. On voit qu’il y a un syndicat CGT au premier coup d’œil. Ça la fiche mal pour le public ? La DRH explique que « maintenant il y a plusieurs syndicats », puisque la CGC et la CFTC se sont créées. Certes ils n’ont obtenu que 11 % et 12 % aux récentes élections contre 77 % à la CGT, mais ils sont aussi représentatifs selon la dernière loi. Donc il va falloir plusieurs panneaux, et là, il n’y a plus la place… La DRH a d’abord fait mettre des colis en attente devant le panneau, se plaint le cégétiste : « - On ne peut plus rien lire ». Il a fallu qu’il demande à plusieurs reprises, par oral et par écrit, que ces dépôts soient enlevés. Sans succès. La DHR propose de diminuer la surface du panneau : il mesure 91 cm sur 1 m 21, ce serait trop. Trois petits panneaux de 30 sur 50 cm ? Dans ce cas l’affiche sur les retraites ne pourrait plus y tenir. Ou alors les trois panneaux seront transportés au fond du couloir, là où ne passe personne. Autre solution propose le délégué : prés de la machine à café ? Pas question. Que les infos syndicales passent par intranet ? Pas question.

Je vous le dis, moi : les syndicalistes de ce pays sont des héros.

Gérard Filoche

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