mardi 9 novembre 2010


Huit millions de pauvres en France :
elle a bon dos, la crise


La crise jette dans la rue huit millions de pauvres, selon le rapport du Secours catholique. Le constat est réducteur pour Christian Jacquiau, économiste critique. Les politiques ne peuvent en effet se dédouaner de leur responsabilités dans le délabrement du tissu social.

Le Secours Catholique publie aujourd'hui son rapport annuel « Ressources, crise et pauvreté ».

Le constat est sans surprise.


Après une baisse observée en 2007, le nombre de situations aidées par le seul Secours Catholique en 2009 a augmenté pour la seconde année consécutive.

« La crise a frappé durement l’économie des pays européens et au moment où nous publions ces statistiques, la politique de rigueur impose des coupes budgétaires qui toucheront également les familles les plus modestes et les dépenses sociales », peut-on lire en introduction de ce rapport accablant.
Accablant... pour le politique.

Car si le constat est imparable et les chiffres incontestables, l'argument trop facile de « la crise » (sur 20 pages le mot est cité à 17 reprises) apparaît ici comme un quitus donné aux politiques les dédouanant de toute responsabilité dans ce que nous sommes tacitement invités à admettre comme une fatalité.
Trop commode crise qui tend à nous faire oublier que la misère, la pauvreté et la précarité ont pour origine essentielle l'absence d'emplois dignement rémunérés, résultant elle-même de choix et décisions éminemment politiques.

Comment prétendre régler le problème du chômage et du mal-emploi lorsque nos élites politiques et économiques s'évertuent - au nom de l'impérative nécessité de compétitivité - à ériger le dumping social en mesure de la performance managériale ?

Comment croire que la tendance puisse se retourner alors que les plus hautes instances de l'État favorisent l'échange de contrats prétendument mirifiques avec la Chine contre le transfert de savoir-faire technologiques qui dès demain se traduiront immanquablement par de nouvelles délocalisations, accompagnées de leur cohorte de laissés pour (solde de tout) compte ?

La France compte huit millions de pauvres. L'équation est toujours la même. Au-delà des destructions directes d'emplois : moins de paysans, moins de commerçants, moins de petites et moyennes entreprises (PME), c'est mathématiquement moins de cotisations patronales et salariales, moins d'impôts levés, moins de financements pour les services publics (hôpitaux, écoles, etc…) et moins pour les transferts sociaux (sécurité sociale, retraites, etc.). Simple. Simpliste même.

Trop sans doute pour qu'elle puisse être comprise de ceux qui dessinent notre avenir, en s'appliquant à préserver le leur et celui de leurs amis.

Pire encore. Privé des ressources indispensables au bon fonctionnement des rouages de l'État, le pouvoir coupe scrupuleusement dans les budgets sociaux, ce qui ne fait qu'empirer la situation des plus démunis.
Pour autant, le politique n'est pas inactif. Et il tient ses promesses. Celles faites au Medef de réaliser le vieux rêve libéral défini dès 1995 par le président d'ABB (Asea Brown Boven) (1), comme la liberté pour son groupe « d'investir où il veut, le temps qu'il veut, pour produire ce qu'il veut, en s'approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales ». La machine ne peut dès lors que s'emballer.

Et il est à craindre que l'engagement et la motivation exemplaire d'une foule de bénévoles - dont il faut ici saluer la persévérance et l'altruisme sans faille - et les efforts conjugués des associations caritatives n'y suffisent pas.

Le parti socialiste, à défaut de chercher des solutions, se cherche une tête à mettre en vitrine de 2012. Solidement ancré, l'anti-sarkozysme pourrait bien l'aider à triompher. Mais qu'on ne s'y trompe pas, au-delà de la personne de Nicolas Sarkozy, « un des problème de la France », c'est bien la politique qu'il mène, dans un système économique européen mondialisé où l'humain n'est plus que l'accessoire du financier, qui conduit au naufrage.

En dehors de la petite touche sociale indispensable à sa communication, l'alternance promise au parti de la rue de Solférino n'y changera rien... si les règles du jeu économique et social ne sont pas profondément modifiées. En aura-t-il la volonté, le courage et l'audace ? Rien n'est moins sûr.
Il est plus que temps que les citoyens sortent de leur léthargie et montrent fermement le chemin... à leurs guides.


Ce solde n’est pas le « reste à vivre », c’est ce qui reste pour financer des dépenses que l’on
peut choisir de faire, de retarder, de financer par le crédit ou par un emprunt, ou auxquelles
il faut renoncer, en particulier :
- les dépenses de santé hors remboursements (sécurité sociale, mutuelle) ;
- les dépenses de loisirs, culture, vacances ;
- les dépenses d’équipement et d’entretien du logement ;
- l’achat et l’entretien d’un véhicule (voiture, deux-roues) ;
- les dépenses imprévues (pannes, déplacements en urgence…).

(1) Asea Brown Boven est l’un des leaders mondiaux des technologies de l’énergie et de l’automation. Le groupe ABB, dont le siège se trouve à Zurich en Suisse, a été constitué en 1988, à la suite de la fusion de la société suédoise Asea et de la firme suisse BBC Brown Boveri.

Mardi 9 Novembre 2010
Christian Jacquiau - Tribune


Source :
http://www.marianne2.fr

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